Les universités nipponnes commencent à instaurer des quotas pour contribuer à la parité dans un domaine jusqu’ici dominé par les hommes.
«La flexibilité et la créativité sont rares dans des groupes composés du même type de personnes». Kazuya Masu est le président de l’Institut de technologie de Tokyo où les femmes ne représentent qu’autour de 13% du corps estudiantin. L’université a décidé de lancer un système de quotas en 2024.
De plus en plus d’établissements universitaires japonais adoptent cette démarche pour assurer aux étudiantes en ingénierie une voie d’accès à ce domaine traditionnellement dominé par les hommes.
L’Institut de technologie de Tokyo a essayé par le passé de recruter davantage d’étudiantes, mais l’ingénierie n’a pas attiré plus de femmes pour autant. L’établissement espère remédier au problème à travers la mise en place d’un quota spécifique. En 2024, il permettra à 58 étudiantes de rejoindre la filière; en 2025, elles seront 143. Cela signifierait une hausse de 20% du nombre d’inscrites.
Moins de 16% des 380.000 étudiants en ingénierie au Japon
Selon une enquête menée par le ministère japonais de l’Éducation, en 2021, 60.000 étudiantes étaient inscrites en ingénierie, soit moins de 16% des 380.000 étudiants en ingénierie au Japon. Il s’agit de la plus faible proportion de femmes dans tous les cursus universitaires du pays.
Le Japon est d’ailleurs à la traîne par rapport aux autres pays développés sur ce sujet. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), seulement 7% des étudiantes japonaises ont choisi de se spécialiser en sciences et en ingénierie en 2019, contre une moyenne de 15% pour l’ensemble des États membres de l’OCDE.
Derrière cette détermination à avoir plus de parité à l’université, il y a une prise de conscience chez de nombreuses entreprises du secteur désormais convaincues que plus de diversité entraîne plus d’innovation. Dans une étude publiée en 2016, la Development Bank of Japan montre, par exemple, que les brevets développés par des groupes de recherche comprenant des femmes rapportent 1,4 fois plus de bénéfices que ceux conçus par des équipes exclusivement masculines.
L’enseignement supérieur a agi en conséquence. Comme l’université de Nagoya, qui dispose déjà d’un quota de neuf étudiantes pour son programme d’ingénierie sur l’année 2023. «Des ressources humaines diversifiées apportant des idées flexibles et de nouveaux points de vue sont nécessaires», indique l’établissement sur son site. «Nous sommes dans une phase où l’innovation disruptive est indispensable».
«Il y a une forte demande de la part d’entreprises qui disent vouloir embaucher des femmes diplômées en ingénierie parce qu’elles pensent que le point de vue d’une femme est important», explique Seiichi Miyazaki, directeur du département d’ingénierie de l’université de Nagoya. Il ajoute: «On a un taux de recrutement d’à peu près 100% de ces étudiantes, mais elles sont peu nombreuses».
Miyazaki explique que le quota est appliqué dès l’examen d’entrée de l’université, sur recommandation. La sélection est fondée sur «divers critères, en plus des compétences académiques».
L’Institut de technologie de Shibaura en a fait de même pour ses examens d’entrée en filière ingénierie. L’université pour femmes de Nara a, elle, lancé sa faculté d’ingénierie en 2022 avec 45 étudiantes à temps plein. Beaucoup des femmes qui ont choisi d’y étudier ont déclaré, dans un sondage, qu’elles l’ont fait parce que c’est une université pour femmes et qu’elles pensaient s’y sentir «à l’aise».
L’université pour femmes d’Ochanomizu ouvrira quant à elle un département d’ingénierie en 2024. «C’est l’histoire de l’œuf et de la poule», résume un représentant de l’établissement sur la réalité des filières d’ingénierie. «Les étudiantes ne viennent pas parce qu’il y a beaucoup d’étudiants masculins. Nous devons donc créer d’abord des œufs pour changer le cycle».
Par Hajime Ueno, Chika Yamamoto et Fumio Masutani