«Comme les voix des femmes apparaissent rarement dans les médias, je pensais que les journalistes allaient se montrer très réticents. Or, c’est exactement le contraire qui s’est produit», explique Kathy Magrobi. Cette ancienne planificatrice média a fondé en 2019 l’organisation à but non lucratif, Quote this Woman, pour créer une base de données digitale d’expertes renommées (chercheuses, directrices générales, chefs de service), qui serait mise gratuitement à la disposition des rédactions.
L’objectif: combler l’écart de représentation des genres dans les médias et faire en sorte que l’actualité reflète fidèlement la démographie sud-africaine. La base de données compte actuellement plus de 350 leadeuses d’opinion, expertes et militantes prêtes à répondre à l’appel, et plus de 470 journalistes abonnés. Si la vaste base de données de Quote this Woman prouve que les expertes existent, elles sont encore considérablement sous-représentées dans les médias.
L’ONG Media Monitoring Africa, basée à Johannesburg, a publié l’année dernière un rapport sur la couverture médiatique de la pandémie de Covid-19 en Afrique du Sud, qui a révélé que les femmes ne représentaient que 21% de toutes les sources citées.
Un autre rapport, commandé par la Fondation Bill & Melinda Gates pour examiner la représentation des femmes dans le traitement médiatique de la pandémie en Afrique du Sud, en Inde, au Kenya, au Nigeria, au Royaume-Uni et aux États-Unis, a révélé un «biais considérable en faveur des analyses effectuées par des hommes».
Les femmes ne représentaient que 19% de tous les experts cités dans les 175 articles sur le Covid-19 les mieux classés à travers les six pays étudiés. Le rapport a également montré que les femmes avaient près de cinq fois moins de chances que les hommes d’être présentées comme des «protagonistes» dans les reportages diffusés aux États-Unis. Elles sont quatre fois moins susceptibles de l’être en Afrique du Sud et au Nigeria, trois fois moins en Inde et au Kenya et près de trois fois moins au Royaume-Uni. «Lorsque la voix des femmes n’est pas autant entendue que celle des hommes dans les médias, il y a fort à parier qu’elle ne l’est pas non plus dans les cercles de décision. Cela signifie que l’on n’exploite pas à sa juste valeur l’expertise absolument cruciale de la moitié de la population».
Selon Magrobi, la sous-représentation des femmes dans les médias est le résultat d’un certain nombre de facteurs comme les inégalités structurelles et les préjugés sexistes.
Quote this Woman milite activement auprès des médias pour qu’ils assurent une couverture médiatique plus équilibrée entre les genres et soutiennent les expertes figurant dans sa base de données, en leur faisant remarquer que leur point de vue est primordial.
La pandémie de Covid-19 a toutefois porté un coup aux ressources déjà limitées de l’organisation. Quote this Woman n’a pas réussi à obtenir de financement supplémentaire, ne bénéficie plus de la subvention initialement accordée par le South African Media Initiative Programme, et fonctionne actuellement grâce à l’aide de sept bénévoles et aux dons d’experts et d’universitaires qui croient au projet.
«C’est bouleversant de penser que le projet pourrait ne pas survivre simplement parce que les conditions de financement sont si mauvaises», déclare Magrobi. Même si la pandémie du nouveau coronavirus a eu un impact dévastateur sur les finances de l’organisation, la fondatrice se félicite que les journalistes aient pu accéder à la base de données au plus fort de la crise sanitaire.
Par Sarah Smit