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Dix circonstances qui mènent à une nouvelle pandémie

Par Raúl Rivas GONZÁLEZ | Edition N°:6292 Le 28/06/2022 | Partager

Raúl Rivas GONZÁLEZ est professeur de microbiologie à l’Université de Salamanque

Épidémies et pandémies ne sont, malheureusement, pas nouvelles. Un simple coup d’oeil à l’histoire de l’humanité suffit à montrer que la lutte de notre espèce contre les maladies infectieuses a été constante. Sans parler du récent Covid, la peste noire, le choléra, la tuberculose, la grippe, la typhoïde ou la variole ne sont que quelques exemples de celles qui ont laissé des traces indélébiles…

Chaque maladie nécessite une action spécifique et la mise en oeuvre de différents mécanismes de prévention, de réponse et de traitement. C’est pourquoi il est essentiel d’identifier les origines et les modes d’apparition des agents pathogènes.

À cet égard, environ 60% des maladies infectieuses émergentes signalées dans le monde sont des zoonoses (qui sont transmises entre les animaux et les humains). On estime qu’environ un milliard de personnes dans le monde tombent malades et que des millions meurent chaque année à la suite d’événe­ments zoonotiques. Et sur plus de 30 nouveaux agents pathogènes humains détectés au cours des der­nières décennies, 75% ont pour ori­gine des animaux.

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La population humaine, en pleine croissance, est sous la menace de pandémies de nature inédite du fait même de son développement incontrôlé (Ph. AFP)

L’émergence récente de plusieurs zoonoses – grippe aviaire H5N1, grippe aviaire H7N9, VIH, Zika, virus du Nil occidental, syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS), Ebola ou Covid-19 (SARS-CoV-2) entre autres – a fait peser de graves menaces sur la santé humaine et le développement éco­nomique mondial.

Elles sont généralement impré­visibles, car beaucoup ont pour ori­gine des animaux et sont causées par de nouveaux virus qui ne sont détectés qu’après coup. Cependant, il existe au moins dix facteurs dont nous savons déjà avec certitude qu’ils sont liés à l’émergence d’une future épidémie ou pandémie. Les voici réunis et expliqués ci-dessous.

■ Guerres et famines

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Les préjudices causés par la guerre sont évidemment nombreux et com­plexes: les morts, les blessures et les déplacements massifs de populations pour fuir les combats sont les plus évidents. Mais l’émergence d’épidémies infectieuses est également étroi­tement liée aux conflits.

En 2006, des épidémies de choléra ont été signalées dans 33 pays afri­cains, dont 88% dans des pays touchés par des conflits. Ces dernières an­nées, plusieurs pays du Moyen-Orient et d’Afrique ont connu des épidémies infectieuses comme consé­quence directe de la guerre, exacerbées par les pénuries de nourriture et d’eau, les déplacements et les dommages causés aux infrastructures et aux services de santé.

■ Changement d’affectation des terres

Le changement d’affectation des sols est une modification majeure de l’écosystème directement induite par les populations humaines. Les conséquences sont très larges.

Ces altérations peuvent en effet affecter la diversité, l’abondance et la distribution des animaux sau­vages et les rendre plus sensibles aux infections par des agents patho­gènes. En outre, en créant de nou­velles possibilités de contact, ils facilitent la circulation et la propa­gation des pathogènes entre les es­pèces, ce qui peut au final conduire à une infection humaine.

Déforestation

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Zone déboisée de l’Amazonie brésilienne (Ph. AFP)

Par la déforestation et la frag­mentation des forêts, nous favo­risons l’extinction des espèces spécialistes de ces habitats et le développement, l’installation d’es­pèces plus généralistes. Certaines espèces sauvages qui sont les hôtes d’agents pathogènes, en particu­lier les chauves-souris et d’autres espèces de mammifères comme les rongeurs, sont relativement plus abondantes dans les paysages ainsi transformés, tels que les éco­systèmes agricoles et les zones ur­baines, que dans les sites adjacents non perturbés.

L’établissement de pâturages, de plantations ou d’exploitations d’élevage intensif à proximité des lisières forestières peut également accroître le flux d’agents patho­gènes de la faune sauvage vers l’homme.

■ Urbanisation et croissance démographique incontrôlées

L’évolution de la taille et de la densité de la population par l’urba­nisation affecte là encore la dyna­mique des maladies infectieuses. Par exemple, la grippe tend à pré­senter des épidémies qui persistent davantage dans les régions urbaines plus peuplées et plus denses.

■ Le changement climatique

Le changement climatique aug­mente le risque de transmission vi­rale inter-espèces. De nombreuses espèces de virus sont encore incon­nues, mais sont susceptibles d’avoir la capacité d’infecter notre espèce. Heureusement, la grande majorité d’entre elles circulent actuellement de manière silencieuse chez les mammifères sauvages.

Toutefois, la hausse des tem­pératures attendue avec le chan­gement climatique entraînera des migrations massives d’animaux à la recherche de conditions envi­ronnementales plus douces, ce qui facilitera l’émergence de «points chauds de biodiversité» (zone bio­géographique menacée comptant au minimum 1.500 espèces végé­tales et animales endémiques). S’ils atteignent des zones à forte densité de population humaine, prin­cipalement en Asie et en Afrique, de nouvelles possibilités de propaga­tion zoonotique à l’homme apparaî­tront.Selon des prévisions récentes fondées sur des scénarios de chan­gement climatique, d’ici 2070, la transmission de virus entre espèces sera multipliée par 4.000 environ.

Mondialisation

La mondialisation a facilité la propagation de nombreux agents in­fectieux aux quatre coins du monde.

La transmission des maladies in­fectieuses est le meilleur exemple de la porosité croissante des frontières. La mondialisation et la connecti­vité accrue accélèrent l’émergence potentielle d’une pandémie, et sa diffusion rapide, en raison du mou­vement constant des micro-orga­nismes par le biais du commerce et des transports internationaux.

■ Chasse, commerce et consommation de viande de brousse

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La transmission des zoonoses peut se produire à n’importe quel point de la chaîne d’approvision­nement en viande de brousse, de la chasse en forêt au lieu de consom­mation. Les pathogènes qui ont été transmis à l’humain à partir de la viande de brousse sont nombreux et comprennent, entre autres, le VIH, le virus Ebola, le virus simien spu­meux et le virus de la variole du singe…

Trafic illégal d’espèces et marchés d’animaux sauvages

Un écosystème présentant une grande richesse en espèces réduit le taux de rencontre entre les individus sensibles et infectieux, ce qui dimi­nue la probabilité de transmission des agents pathogènes. À l’inverse, les marchés d’animaux vivants et autres enclos cachés du commerce illégal sont des lieux où les espèces les plus diverses sont entassées dans des cages surpeuplées.

Dans ces conditions, non seule­ment ils partagent le même espace malsain et contre nature, mais aussi les ectoparasites et les endopara­sites vecteurs de maladies. Les ani­maux saignent, bavent, défèquent et urinent les uns sur les autres: ce qui entraîne l’échange de micro-orga­nismes pathogènes et de parasites, forçant ainsi des interactions entre espèces qui n’auraient jamais dû se produire.

■ Évolution microbienne

Les micro-organismes évoluent constamment, naturellement et en réponse aux pressions de sélection directes et indirectes de leur envi­ronnement. Un exemple bien éta­bli est celui des virus de la grippe A, dont le réservoir ancestral est le gibier d’eau, à partir duquel ils ont réussi à infecter d’autres types d’animaux.

Le développement mondial de nombreux types de résistance aux antimicrobiens chez les agents pa­thogènes humains courants est une démonstration claire de l’énorme capacité des micro-organismes à s’adapter rapidement.

                                                       

Effondrement des systèmes de santé publique

Au cours des dernières décen­nies, dans de nombreux pays, on a assisté à un retrait progressif du sou­tien financier aux systèmes de santé publique.

Cela a décimé l’infrastructure essentielle nécessaire pour faire face aux épidémies soudaines. L’émer­gence récente et rapide de nouvelles menaces de maladies infectieuses, telles que le Covid-19, associée à la résurgence de maladies plus an­ciennes, comme la rougeole et la tuberculose, a des implications importantes pour les systèmes de santé publique mondiaux.

Nous devons être conscients que la préparation à d’éventuelles épidémies et pandémies futures nécessite une étude approfondie et consciencieuse des facteurs poten­tiels qui facilitent l’émergence des maladies infectieuses. Une analyse minutieuse et critique permettra de concevoir de futures stratégies de prévision et de prévention.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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