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Sécurité des vaccins anti-SARS-CoV-2: Pourquoi il ne faut pas relâcher la vigilance

Par Michel GOLDMAN | Edition N°:6147 Le 02/12/2021 | Partager

Michel Goldman, médecin spécialisé en médecine interne et immunologie et Chair professor à l'Université Libre de Bruxelles (ULB)

Les vaccins contre le virus SARS-CoV-2 se sont révélés d’une très grande efficacité pour prévenir les formes graves de la maladie Covid-19, qu’il s’agisse des vaccins à vecteur adénoviral (AstraZeneca et Johnson & Johnson) ou des vaccins à ARN messager (BioNTech/Pfizer et Moderna).

Alors que près de 8 milliards de doses ont été administrées dans le monde depuis près d’un an, toutes les données disponibles indiquent que leur sécurité est également excellente. En effet, les réactions les plus fréquentes (douleur au site d’injection, fièvre, douleurs musculaires, maux de tête…) s’estompent rapidement et sont analogues à celles qui peuvent être observées avec les autres vaccins. La balance bénéfice-risque de la vaccination anti-Covid-19 est donc incontestablement positive, et conduit à maximiser autant que possible la couverture vaccinale.

Les campagnes de vaccination se heurtent toutefois à l’opposition ou à l’hésitation d’une partie de la population. Parmi les différentes raisons invoquées, domine la crainte que certains effets indésirables n’aient pas encore été identifiés. Cette préoccupation est alimentée par des observations isolées pour lesquelles la relation de cause à effet est impossible à établir par les programmes de pharmacovigilance conventionnels.

L’objectif de cet article est d’encourager la mise sur pied d’études spécifiquement conçues pour identifier ou infirmer des complications très rares. Il sera essentiel de communiquer de manière transparente les informations qui seront recueillies, de manière à ne pas laisser le monopole de ces sujets aux adversaires de la vaccination.

Les effets indésirables rares qui ont retenu l’attention

Ce sont des thromboses atypiques (formation d’un caillot qui va bloquer une veine ou artère) survenues après l’administration du vaccin AstraZeneca chez des femmes jeunes qui ont été les premières complications graves à avoir été mises en lumière. Les conséquences de ces thromboses peuvent être dramatiques, en particulier lorsqu’elles touchent les vaisseaux cérébraux. La responsabilité de la vaccination a été initialement réfutée sur la base de l’incidence comparable des thromboses dans leur ensemble au sein des populations vaccinées et non vaccinées.

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Les nouveaux vaccins à ARNm (ici, Pfizer) continuent à être étudiés, pour identifier les effets secondaires les plus rares (Ph. Andrej Ivanov/ AFP)

Il a fallu que quelques médecins perspicaces, frappés par l’analogie avec une complication rare du traitement à l’héparine (un anticoagulant), identifient les marqueurs biologiques de ces thromboses atypiques pour se rendre à l’évidence. Évidence ensuite confirmée par des études épidémiologiques ciblées. Elles ont permis d’évaluer le risque à 2 cas pour 100.000 doses en dessous de l’âge de 50 ans.

Sur recommandation des agences réglementaires, les autorités sanitaires de nombreux pays ont alors adapté les stratégies d’utilisation des vaccins à vecteur adénoviral en fonction de l’âge, de manière à réduire autant que possible le risque de la complication. En France, les vaccins à vecteur adénoviral ont ainsi été réservés aux personnes de plus de 55 ans.

L’inflammation du cœur (myocardite) ou de son enveloppe (péricardite) occasionnellement observée dans les jours suivant l’injection de vaccin à ARN messager est l’autre complication rare qui a conduit à modifier les stratégies vaccinales contre le Covid-19. Elle survient le plus souvent chez des hommes jeunes, le risque étant le plus élevé après la deuxième dose du vaccin Moderna (de l’ordre de 13 cas pour 100.000 doses). C’est l’organisation exemplaire du système de santé israélien qui a permis de mettre en évidence cette complication sérieuse, mais dont l’évolution est heureusement rapidement favorable dans la très grande majorité des cas.

Le risque environ cinq fois plus élevé avec le vaccin Moderna est très vraisemblablement lié à la quantité d’ARN présent, plus de trois fois supérieure dans ce vaccin par rapport au produit de Pfizer/BioNTech. Elle a amené la Haute Autorité de Santé en France à déconseiller l’utilisation du vaccin Moderna chez les personnes de moins de 30 ans et à administrer une demi-dose de ce vaccin lorsqu’il est utilisé pour un rappel.

À ce stade, nous ne pouvons exclure que d’autres effets indésirables exceptionnels puissent survenir suite à l’administration de vaccins anti-SARS-CoV-2. Tout l’enjeu est de déterminer lesquels, en particulier si leur rareté risque de les faire passer entre les mailles des filets des systèmes de pharmacovigilance.

Des effets indésirables à explorer

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Selon leurs spécificités, et leurs effets secondaires, les vaccins autorisés (ici Moderna, Pfizer et AstraZeneca) peuvent être utilisés dans des cas et pour des publics adaptés pour limiter encore les risques (Ph. Thomas Kienzle/AFP)

L’observation par notre équipe de la flambée d’un lymphome après administration d’un rappel de vaccin Pfizer (tumeur du système lymphatique, qui se fait aux dépens de certaines cellules immunitaires – les lymphocytes B et T notamment) nous conduit à considérer particulièrement les conséquences possibles de l’hyperstimulation du système immunitaire qu’induisent les vaccins à ARN. Elle est liée à leur action sur une population particulière de lymphocytes, les lymphocytes T folliculaires.

Les vaccins à ARN messager s’avèrent en effet beaucoup plus puissants à cet égard que les vaccins basés sur les technologies conventionnelles. La question est de savoir si cette hyperstimulation ne représente pas, dans certains cas, une arme à double tranchant.

Dans le cas des maladies lymphoprolifératives, notre observation n’est pas isolée puisque trois autres cas de récidive de lymphome dans les suites d’une vaccination anti-SARS-CoV-2 ont été publiés, l’un après vaccin Pfizer, les deux autres après vaccin AstraZeneca.

Dans le domaine des maladies immuno-inflammatoires, un article récent attire aussi l’attention sur 13 cas de glomérulonéphrite (atteinte du glomérule, une unité fonctionnelle du rein) qui sont survenus ou ont été aggravés dans les suites d’une vaccination.

Nous suggérons de prêter aussi une attention particulière aux enfants qui ont un risque élevé de développer un diabète de type 1 (insulinodépendant). Ils présentent en effet des cellules T folliculaires activées en grand nombre, avant même que le taux de glucose ne s’élève dans leur sang. Il est donc prudent de s’assurer que les vaccins à ARNm ne stimulent pas davantage ces cellules, ce qui pourrait accélérer la survenue du diabète.

                                                                    

Améliorer encore les systèmes de pharmacovigilance

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Il est très peu probable que les systèmes de pharmacovigilance existants permettent d’établir le risque de voir une vaccination SARS-CoV-2 révéler ou accélérer le cours des maladies évoquées ci-dessus. Non en raison de procédures accélérées et insuffisantes, mais parce que la méthode traditionnelle pour établir la responsabilité du vaccin dans une manifestation pathologique donnée repose sur la comparaison de sa fréquence dans des populations vaccinées et non vaccinées considérées dans leur ensemble.
Des études ciblées sur les populations à risque sur la base d’une hypothèse mécanistique crédible sont beaucoup plus appropriées pour prouver ou infirmer la réalité d’une complication très rare. Quels que soient les résultats de ces investigations, ils ne devraient pas affecter le rapport bénéfice-risque globalement très favorable des vaccins à ARN messager. Mais ces recherches révéleront peut-être la nécessité d’adapter les stratégies vaccinales pour les patients atteints de certaines pathologies les exposant à un risque spécifique.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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