
Le marché de l’édition juridique prend forme doucement et sûrement depuis une dizaine d’années (cf. L’Economiste n°4118 du 23 septembre 2013). Cette tendance s’accentue avec l’apparition de sites d’information spécialisée en droit. Artemis et sa plateforme grand public créée en juin 2018, Intelaw.ma avec sa base de données jurisprudentielles, lancée via une alliance avec l’Amical Hassania des magistrats, maroclaw.com et son large éventail d’articles doctrinaux majoritairement en langue arabe, Simulator Online, un site «pratique et didactique d’informations réglementaires»…
C’est dans cette dynamique éditoriale qu’il faut placer la dernière actualité du secteur. LexisNexis et son représentant exclusif au Maroc, Ikone Juris, ont lancé le 10 novembre Lexis MA. Ce portail remplace Lexis Maroc qui existe depuis 2013. Année durant laquelle la filiale du groupe anglo-néerlandais Reed Elsvier a investi le marché local.
La nouvelle plateforme conserve son ADN originel puisqu’elle demeure orientée droit des affaires. «Il y a une forte demande en la matière. Nous sommes là pour apporter une réponse. Mais il faut être humble. Chaque chose en son temps», nous avait confié à l’époque Guillaume Deroubaix, l’actuel directeur général de LexisNexis MENA.
Des considérations géopolitiques entrent en jeu aussi dans la stratégie de l’éditeur, comme «l’amélioration du climat des affaires au Maroc et son positionnement continental», notamment via Casa Finance City et Tanger Med. Le site de LexisNexis affiche d’ailleurs cette ambition. Il dédie une rubrique spéciale au droit Ohada composée des neuf actes uniformes des 17 Etats membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA), de la jurisprudence, de synthèses législatives…
Par ailleurs, la convergence réglementaire avec le droit européen a poussé des éditeurs à se positionner. Artemis par exemple compile à la seconde près les décisions des juridictions du Vieux continent. D’autres opérateurs, à l’instar de LexisNexis, s’appliquent à collecter la jurisprudence marocaine. Une denrée rare à l’heure où la Cour de cassation peine encore à mettre en ligne ses arrêts et à se conformer intégralement à la loi sur le droit d’accès à l’information.
De ce côté-ci de la Méditerranée, l’accès à la jurisprudence relève toujours du parcours du combattant. «C’est encore plus difficile lorsqu’un juriste n’est pas arabophone. D’où l’enjeu de traduire aussi les décisions de justice pour mieux encourager l’investissement», témoigne une praticienne ayant souhaité garder l’anonymat. Durant Casa Business Forum, tenu les 21 et 22 octobre 2019, l’avocat d’affaires, Mustapha Mourahib, avait même alerté sur la pénurie de données juridiques pertinentes. La rareté des codes annotés et des jurisprudences donnent des cheveux blancs aux juristes (cf. L’Economiste n°5627 du 1er novembre 2019).

LexisNexis a d’ailleurs investi ces créneaux en mettant à disposition de son public «des lois consolidées et thématisées ainsi que 14.000 décisions dont 1.000 accompagnées d’une analyse LexisData». L’entreprise édite notamment une revue «Droit et Stratégie des affaires au Maroc». Artemis fait de même via son bulletin trimestriel d’information juridique et fiscale auquel contribuent des experts, comme l’ancien secrétaire général de l’autorité de la protection de la vie privée (CNDP), Anis Houssine.
Les éditeurs investissent d’autres niches. Simulator Online met par exemple à disposition des praticiens son site avec des questions-réponses pour fournir une information concise, pratique et rapide d’accès.
Pour sa part, «Lexis MA est un projet éditorial ayant pour ambition de fédérer la communauté juridique marocaine en créant un fonds unique de guides pratiques, comme les fiches de synthèse d’une réglementation, les modèles d’actes couvrant 26 domaines…», précise Souâd El Kohen, fondatrice d’Ikone Juris avec son époux Radouane Sbata.
Quels que soient son support et son format, l’information juridique est très prisée. En 2018-2019, le droit est classé en seconde position après les œuvres littéraires. Ce constat se confirme d’année en année, selon le rapport annuel de la Fondation Al-Saoud sur l’état de l’édition et du livre au Maroc (cf. L’Economiste n°5709 du 2 mars 2020). Autant dire qu’il y a encore de la marge pour les éditeurs. Les codes annotés et la jurisprudence sont, à ne pas en douter, le nerf de la guerre.
Faiçal FAQUIHI
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