
Un millier de manifestants syndicaux et de gauche, contre 300 pour les partisants du pouvoir. Voilà qui en dit long sur le climat politique en Tunisie
Entre manifestations et célébrations, fierté et mélancolie, la Tunisie fêtait hier mardi 17 décembre le troisième anniversaire de l’immolation du marchand ambulant Mohamed Bouazizi. Un geste isolé qui a déclenché l’immobilisation de milliers de Tunisiens et qui s’est soldé par une révolution, la fuite de Zine El-Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011 et la contagion dans d’autres pays arabes.
A Sidi-Bouzid, berceau de la révolution du jasmin et point de départ du printemps arabe, une cérémonie en grandes pompes célèbre ce rendez-vous historique annuel. C’est aussi l’occasion pour les habitants de manifester contre leurs conditions de vie qui ne sont pas réellement améliorées et de crier leur déception.
Trois ans plus tard, leur région est toujours enclavée, l’économie n’a pas décollé et le chômage n’a pas été résorbé malgré les promesses. Un millier de manifestants, entre militants syndicaux et sympathisants de gauche, ont défilé dans la ville en scandant des slogans «le travail est un droit, bande de voleurs» ou encore «la révolution a unifié le peuple, la troïka nous a divisés». Le désenchantement est tel qu’un jeune habitant du quartier pauvre de Sidi-Bouzid interrogé par l’AFP est allé jusqu’à déclarer que le peuple n’avait pas gagné la révolution. «J’ai des amis en prison pour usage de drogue, d’autres morts en essayant d’aller clandestinement en Italie et d’autres tués (en combattant avec les djihadistes) en Syrie», explique-t-il.
Ce mal social est à prendre très au sérieux. Comme le rappelait Rafaâ Benachour, ambassadeur de Tunisie au Maroc, les ingrédients de la révolution de la dignité sont antérieurs à l’affaire Bouazizi. Les grèves qui ont éclaté à Gafsa en 2008 pour décrier le népotisme, le clientélisme, le chômage et la détérioration du système éducatif ont été le réel catalyseur (voir L’Economiste n°3721 du 16 février 2012). Tant que ces problèmes ne seront pas résolus, la Tunisie ne pourra pas jouir d’une véritable stabilité.
Parallèlement, la manifestation des partisans du pouvoir faisait pâle figure, avec quelque 300 manifestants. Le président Moncef Marzouki, le Premier ministre Ali Larayedh et le chef du Parlement Mustapha Ben Jaafar, qui devaient marquer l’inauguration de la cérémonie commémorative, ont tous été les grands absents «pour des raisons de sécurité». Un an plus tôt, ils étaient la cible de jets de pierres.
Un accord a été arraché à la dernière minute autour du futur Premier ministre. Mehdi Gomâa, ministre sortant de l’Industrie et ingénieur de 51 ans, a été désigné pour reprendre cette fonction. Il va devoir réussir le périlleux pari d’éteindre les cendres d’une crise politique dont le pays a du mal à sortir, depuis l’assassinat du député d’opposition Mohamed Brahmi le 25 juillet.
Rime AIT EL HAJ
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