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L’éducation, cruciale pour bâtir des sociétés respectueuses de l’égalité des genres?

Par Jamila Seftaoui - Stefania Giannini - - | Edition N°:6038 Le 23/06/2021
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Malgré des défis persistants, l’égalité des genres à l’école a été saluée comme une réussite. À l’échelle mondiale, le même nombre de filles et de garçons étaient inscrits dans l’enseignement primaire et secondaire en 2018. Cependant ces moyennes mondiales masquent des disparités persistantes au niveau de chaque pays et en leur sein, entre différents groupes particuliers, comme les populations pauvres, si bien qu’aucun pays n’a atteint une égalité parfaite entre les hommes et les femmes.

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En effet, les taux d’accès à l’école et d’achèvement des études n’offrent pas une image complète de l’égalité des genres dans le système éducatif. Ce que les enfants, les jeunes gens et les adultes apprennent – et les valeurs, attitudes et comportements qu’ils développent en conséquence – reste critique. Les préjugés et la discrimination liés au genre sont omniprésents dans les établissements scolaires du monde entier. La communauté éducative doit agir maintenant, main dans la main avec d’autres secteurs et de toute urgence, pour construire des écoles qui peuvent servir de modèles pour l’égalité des sexes.

Investir dans une éducation sexotransformatrice est la meilleure solution dont nous disposons pour reconstruire des sociétés capables d’atteindre l’égalité des genres et promouvant la pleine réalisation des droits humains pour tous. C’est d’autant plus impératif dans le contexte du Covid-19, qui pourrait faire perdre des décennies de progrès en matière d’égalité des sexes dans l’éducation, et affecte dramatiquement l’éducation des filles et leur avenir.

Nous devons éradiquer la discrimination dans les politiques scolaires, lorsque ces politiques institutionnalisent des normes et des comportements sexistes, et enseignent aux filles et aux garçons que leur vie n’a pas la même valeur. Son Atlas, l’Atlas de l’Unesco pour le droit à l’éducation des filles et des femmes, montre que seule la moitié des pays garantissent dans leur constitution le droit à l’éducation sans discrimination fondée sur le genre. Le dialogue et la coopération entre les autorités éducatives, les groupes de défense et les secteurs sociaux et judiciaires peuvent contribuer à garantir que les politiques et le cadre juridique préservent le droit à l’éducation pour tous, sans distinction de genre, et qu’ils soient compris et respectés par tous. Les politiques discriminatoires peuvent ne viser que des groupes spécifiques, tels que les filles enceintes et les jeunes mères, mais en réalité elles nuisent à toute la société en limitant les opportunités et alimentant la stigmatisation.

Nous pouvons faire en sorte que les livres scolaires et les ressources pédagogiques s’opposent aux préjugés et aux stéréotypes sexistes qui restreignent trop souvent notre perception de ce que les filles et les garçons doivent faire et apprendre. Dans les manuels scolaires du monde entier, les filles et les femmes sont quasiment absentes, ou représentées comme passives, notamment dans les rôles décisionnels. Il y a quelques signes de progrès: une étude de l’Unesco a trouvé des exemples de femmes Premiers ministres et pilotes dans des livres scolaires en Jordanie, et de femmes manifestant dans la rue et votant en Palestine; tandis que dans des pays aussi variés que la Hongrie ou le Népal, les efforts des gouvernements pour dépasser les stéréotypes de genre et sensibiliser à l’égalité des genres ont permis d’améliorer les livres scolaires. Cependant, à l’échelle mondiale, les progrès sont lents, d’autant plus lorsqu’il s’agit de dépeindre la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre. Seule la coopération entre les autorités éducatives, les enseignants et les éditeurs – et dans un monde où l’apprentissage à distance devient de plus en plus courant, avec des entreprises de radiodiffusion et des fournisseurs de contenu en ligne – peut permettre de débarrasser les contenus scolaires de préjugés sexistes. Une société où les stéréotypes de genre persistent est plus inégalitaire, moins diverse et moins performante dans de nombreux domaines.

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Les écoles sont à bien des égards un microcosme de la société, où les valeurs des enfants sont nourries et leurs aspirations catalysées. Pour la plupart d’entre eux, l’école représente le principal lieu où ils peuvent apprendre à accepter, respecter et chérir la diversité, à condition qu’une éthique d’inclusion soit déjà en place (Ph. AFP)

Nous devons aider les professeurs à prendre conscience de leurs préjugés sexistes inconscients ou implicites et à y remédier. Les identités et histoires personnelles des enseignants, leurs attentes et leurs comportements donnent le ton à leurs élèves. Dans tous les contextes, nombre d’entre eux continuent d’entretenir des croyances dépassées à l’image de la société qui les entoure: que les garçons sont plus perturbateurs que les filles, que les filles sont plus aptes aux activités calmes comme la lecture, ou que des matières comme les sciences et les mathématiques sont intrinsèquement masculines. Ce type d’attitudes affecte non seulement les résultats des filles et des garçons, mais prive aussi nos économies de la contribution future de millions de scientifiques, artistes, chercheurs, dont la passion n’a pas été pleinement encouragée à l’école.

Nous pouvons faire en sorte que les environnements d’apprentissage soient sûrs, accueillants pour les élèves de tout genre et autonomisants. Il s’agit notamment de s’assurer que l’architecture et les installations scolaires intègrent les besoins spécifiques de chaque groupe, telles que les filles en période de menstruation, mais aussi de prendre des  mesures actives pour empêcher le harcèlement et les violences fondés sur le genre – y compris à l’égard des étudiants LGBTQI qui sont trop souvent victimes de harcèlement en ligne et hors ligne – et également d’encourager les relations basées sur le consentement. Une éducation transformatrice encourage les élèves à réfléchir de manière critique à leurs propres suppositions et croyances, et à devenir des agents de changement positif. Les chefs d’établissement et les éducateurs peuvent être soutenus dans cette démarche en s’appuyant activement sur des partenaires communautaires pertinents, tels que les organismes de santé locaux.

Les écoles sont à bien des égards un microcosme de la société, où les valeurs des enfants sont nourries et leurs aspirations catalysées. Pour la plupart d’entre eux, l’école représente le principal lieu où ils peuvent apprendre à accepter, respecter et chérir la diversité, à condition qu’une éthique d’inclusion soit déjà en place. C’est pourquoi l’égalité de genre dans nos systèmes éducatifs est bien plus complexe qu’une simple question de «parité» et ne peut être promue par une approche en silo – elle nécessite une action ciblée et globale dans tous les secteurs. Comme les exemples ci-dessus le montrent, le secteur de l’éducation ne peut y parvenir seul: à travers le monde, les décideurs dans les secteurs de la justice, du travail, de la santé ou encore de l’édition doivent prendre des mesures pour lever les obstacles «invisibles» à l’égalité des genres, dans et par l’éducation.

Le Forum mondial Génération Égalité, qui marque le 25e anniversaire du Programme d’action de Pékin et culminera à Paris du 30 juin au 2 juillet, a établi des coalitions innovantes et multipartites qui visent à catalyser l’action collective dans 6 domaines. Parce qu’elle est transformatrice dans tous les domaines, l’éducation pour faire progresser l’égalité des genres doit figurer dans les travaux de chacune de ces coalitions, par le biais d’accords sur des engagements ambitieux et tangibles. C’est la clé pour mettre le monde sur une voie plus égalitaire, plus équitable et plus juste.

                                                                      

Prendre conscience des préjugés

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Nous devons aider les professeurs à prendre conscience de leurs préjugés sexistes  inconscients ou implicites et à y remédier. Les identités et histoires personnelles des enseignants, leurs attentes et leurs comportements donnent le ton à leurs élèves. Dans tous les contextes, nombre d’entre eux continuent d’entretenir des croyances dépassées à l’image de la société qui les entoure: que les garçons sont plus perturbateurs que les filles, que les filles sont plus aptes aux activités calmes comme la lecture, ou que des matières comme les sciences et les mathématiques sont intrinsèquement masculines. Ce type d’attitudes affecte non seulement les résultats des filles et des garçons, mais prive aussi nos économies de la contribution future de millions de scientifiques, artistes, chercheurs, dont la passion n’a pas été pleinement encouragée à l’école.

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Cet article est publié dans le cadre de «Towards Equality», une opération de journalisme collaboratif rassemblant 15 médias d’information du monde entier qui mettent en lumière les défis et les solutions pour atteindre l’égalité des genres