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Prix de L'Economiste pour la recherche: Des thématiques originales et des solutions concrètes

Par L'Economiste | Edition N°:6950 Le 14/02/2025 | Partager

Tomber de rideau mardi dernier sur la 20e édition du Prix de L’Economiste pour la recherche en économie, gestion et droit. Une édition spéciale, puisqu’elle marque les 20 ans de cet évènement primant les talents de la recherche, lancé en 2005.

Comme chaque année, le jury du Prix reçoit des dizaines de candidatures, dans les catégories licence/bachelor, master et doctorat. Mais seules celles répondant à certains critères retiennent son attention. Il s’agit notamment de l’actualité du sujet, son originalité et surtout son utilité. Les travaux proposant des solutions concrètes sont ainsi privilégiés. Pour cette 20e édition, 81 candidatures ont été soumises à l’appréciation des jurés, dont 43 relatives à des thèses de doctorats. De nombreux candidats ont pu se démarquer par des thématiques dans l’air du temps, et des solutions à des problématiques bien réelles.

Les deux nominés de la catégorie master ont remporté le prix ex aequo. Dans la catégorie doctorat, cinq postulants ont été nominés et deux ont été distingués, également ex aequo. Pour la catégorie licence/bachelor, le jury a décidé de ne pas attribuer de prix.

Retour sur les parcours des gagnants et des nominés, mais aussi sur le détail de leurs travaux de recherche. 

                                               

Les travaux des gagnants de la catégorie doctorat

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C’est avec émotion que Fadwa El Fallahi s’est vue décerner le prix de L’Economiste de l’édition 2024 dans la catégorie doctorat. Un titre qui vient en récompense de son travail de thèse doctorale, portant sur l’influence des modèles d’éco-innovation sur le potentiel de croissance des entreprises marocaines, et entérinant avec succès son cursus à l’ISCAE Casablanca. «L’entreprise marocaine se trouve aujourd’hui tiraillée entre la nécessité d’assurer sa croissance économique pour pallier la crise et celle de protéger l’environnement de menaces redoutables, telles que la désertification et la pénurie de ressources naturelles, appuyées par la taxe carbone et la pression de la COP23», tient à souligner la doctorante. «Ces 2 objectifs peuvent sembler aux premiers abords antinomiques. Cependant, il est aujourd’hui capital pour le Maroc de ne pas répéter les erreurs des modèles économiques mondiaux polluants comme l’Europe ou les Etats-Unis», assure-t-elle.

A travers son travail de thèse, soutenu en 2023, la jeune chercheuse, actuellement chef du département Audit Interne, contrôle interne et gestion des risques au LPEE, a proposé aux entreprises des voies à suivre dans ce sens. Parmi les solutions suggérées notamment, un modèle d’éco-innovation organisationnelle tenant compte de la taille de la structure ou encore de son secteur d’activité. «L’entreprise doit désormais s’organiser de manière à innover dans le domaine environnemental, en désignant par exemple un responsable RSE ou encore en adoptant les technologies actuelles de recyclage», nous explique-t-elle.

Le travail de Fadwa El Fallahi est le fruit d’une analyse économétrique pour laquelle l’experte s’est basée sur un échantillon de près de 1.096 entreprises, toutes régions et tous secteurs confondus. «Pour calculer certains agrégats économiques, je me suis basée sur les données de la banque mondiale», complète-t-elle par ailleurs. La chercheuse compte par la suite rester impliquée dans la recherche. Elle prévoit de publier prochainement deux ouvrages (dont l’un au sein d’une maison d’édition américaine), dans la continuité de son sujet de thèse, portant entres autres sur l’éco-innovation au cœur des pays émergents.

Karim AGOUMI

                                               

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C’est de l’étonnement et des questionnements permanents que naissent les plus belles idées. Nabil Taoufik, ancien journaliste à L’Economiste, actuellement directeur de publication de Consonews, se dit assoiffé de questions, et de réponses. Et c’est justement l’une de ses questions qui le pousse vers le chemin de la recherche, et le mène à s’engager dans une thèse de doctorat. Interpellé par le déclassement social subi par de nombreuses familles, il s’interroge sur l’histoire de capitalisme marocain. Son sujet de thèse, «De la marocanisation à la privatisation, une histoire de la quête de l’indépendance économique, 1973-2003», l’emmène dans un voyage dans le temps, qui remonte à 1912, date du protectorat français sur le Maroc. «Un choix méthodologie obligé», selon ses propres mots.

«En fait, c'est le passé qui explique le présent», soutient-il, et en comprenant le présent, nous pouvons tenter de prévoir l’avenir. «Le programme d'ajustement structurel (PAS) 1983 et au cœur de la thèse. Mais l’histoire c’est aussi des comportements est des décisions publiques. Au final, vous apprenez que comprendre ce n’est pas juger», partage-t-il. Pour le chercheur, quand vous faites de l’histoire, vous devenez fataliste et vous comprenez que l’on ne pouvait pas faire autrement. Le PAS, souvent accablé de tous les maux, était pour ainsi dire inévitable. «L’enjeu est de faire en sorte de ne plus se retrouver en situation de faiblesse».

Malgré ses concessions, le royaume a toujours fait de la «résistance» et opéré des changements à sa manière, «et c’est ce qui caractérise le Maroc en tant qu’Etat», selon Nabil Taoufik. La privatisation, par exemple, quoi que l’on dise, s’est faite «à la marocaine». Le cas des accords de libre échange est également de ce point de vue éloquent. Même avec des ALE déséquilibrés, le pays a défendu son programme et s’est inscrit dans une approche de résistance. «La preuve est que la faillite escomptée n’a pas eu lieu!», s’écrie Taoufik.

Ce que sera le Maroc d’ici 20 ou 30 ans, le libéralisme économique arabo-musulman, les évolutions démographiques futures… Dans sa tête, les questions fusent, et les projets de recherche aussi.

Ahlam NAZIH   

                                               

Les travaux des gagnants de la catégorie master

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Devenir journaliste, c’était son rêve d’enfance, mais le destin en a voulu autrement. Jeune fiscaliste, Mohamed Lamine Boutouatou s’est intéressé à la loi portant sur la réforme fiscale, en vigueur depuis 2021. «A travers son article 3, l’Etat veille à la mise en œuvre des réformes fiscales permettant de renforcer la compétitivité des entreprises. A ce moment-là, je me suis dit qu’il était temps d’engager une réforme, mais plutôt pour les groupes», explique-t-il. A partir de là, le jeune chercheur effectue une recherche exploratoire afin d’identifier les régimes existants à l’international, et finit par identifier le régime d’intégration fiscale. Il procède ainsi à une analyse comparative dans plusieurs pays, et tente d’adapter chaque élément au contexte marocain. Cela l’amène aussi à exposer les lacunes de l’arsenal juridique et fiscal national.

«La dernière étape a consisté en la mise à l'épreuve de ce modèle, à travers son application à un cas fictif mais réaliste», précise Mohamed Lamine Boutouatou. Et d’ajouter: «A travers un jeu de simulation, j'ai essayé de voir quelles sont les variables qui impactent vraiment la charge fiscale du groupe de sociétés. Conclusion: Si l'État tient à assurer la compétitivité, sur le plan fiscal, d’un groupe, le régime d'intégration fiscale est le bon».

Des travaux antérieurs ont déjà appréhendé cette problématique, cependant, d’un point de vue purement technique. La recherche de Mohamed Lamine Boutouatou se distingue par son approche scientifique et méthodologique, avec une étude de cas, une contextualisation du modèle et une analyse comparative à même d’améliorer la visibilité sur le régime fiscal.

Actuellement consultant fiscal chez Ernest & Young, le jeune chercheur est également expert-comptable stagiaire. Passionné par la recherche, il n’exclut pas la possibilité, à l’avenir, d’une thèse de doctorat et d’une fonction d’enseignant chercheur.

 A.Na

                                               

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A seulement 24 ans, Maryam Taki remporte le prix du meilleur mémoire de master de l’édition 2024 du prix de l’Economiste, pour son travail de recherche sur le droit et l’éthique de l’intelligence artificielle. Un sujet dans l’air du temps et à travers lequel la doctorante chercheuse, lauréate de l’université Abdelmalak Essaadide de Tanger et actuellement juriste d’affaires, consacre jusqu’à aujourd’hui l’entièreté de ses recherches.

«J’ai choisi ce sujet en raison du développement fulgurant de l’intelligence artificielle et de ses retombées sur la société ainsi que sur l’humain», nous confie-t-elle. Une révolution qui soulève selon elle de profonds questionnements sur sa confidentialité, sa réglementation juridique ainsi que son éthique. «Nous constatons au Maroc aujourd’hui l’absence d’un cadre juridique spécifique à l’intelligence artificielle. Il n’y a que des lignes directrices et des chartes éthiques. Or, l’usage de l’éthique comme alternative à la réglementation stricte pour protéger les droits humains et les principes démocratiques ne suffit pas», tient à préciser la jeune chercheuse. A travers son travail, Maryam Taki analyse notamment la complexité de l’encadrement juridique de l’IA au niveau national ainsi que la difficulté d’adapter les lois actuelles à une technologie constamment «évolutive». Son intérêt pour le sujet a germé en 2023, période durant laquelle la doctorante n’avait pas encore soutenu son mémoire de master. «Lorsque j’ai soutenu mon mémoire en été 2023, il n’y avait aucune réglementation spécifique à l’intelligence artificielle au sein de l’Union Européenne. J’ai souhaité souligner à travers mes recherches l’urgence d’un cadrage juridique pour limiter tout débordement éthique de cette forme d’intelligence». Mais la jeune chercheuse ne compte pas en finir avec la question. En 2027, elle soutiendra sa thèse de doctorat à travers laquelle elle tente de comparer le modèle de réglementation juridique de l’Union européenne avec ceux d’autres grandes puissances mondiales.

 K.A

                                               

Les  travaux des nominés de la catégorie doctorat

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C’est à l’ENCG Settat que Abdelhadi Ifleh soutient sa thèse de doctorat en 2023. L’année suivante, il rejoint l’Université internationale de Casablanca, avant d’intégrer la faculté polydisciplinaire de Larache en tant que maître de conférence. Dans cet établissement, il enseigne la finance. A l’aise avec les chiffres, il détient un master en économétrie, statistique et modélisation appliquée de la faculté d'économie et de gestion de Rabat Souissi.

L’année dernière, Abdelhadi Ifleh a remporté le prix de la meilleure thèse décerné par l'Autorité marocaine des marchés des capitaux (AMMC), pour son travail autour de l’apport du deep learning dans la prévision des cours boursiers. Pour la 20e édition du prix de L’Economiste, il retient l’attention du jury, qui le nomine parmi des dizaines de candidats. «L'objectif de ce travail, c'est de combiner les outils de l'intelligence artificielle (IA), et plus précisément les réseaux de neurones artificiels, avec les indicateurs de l'analyse technique. Ce sont des indicateurs calculés en tenant compte des prix des cours boursiers, et qui permettent de savoir quand acheter et quand vendre un actif financier», explique le jeune chercheur. La finalité est donc de faire des prévisions des cours boursiers. Dans son projet, il est possible de procéder à des prévisions sur 10, 50 et 100 jours. Pour son étude, il s’est intéressé à plusieurs marchés boursiers, dont ceux du Maroc, de l’Egypte, d’Angleterre, ou encore, des Etats-Unis via le S&P 500 et le Nasdaq. «Nous avons trouvé que les actions avec les résultats de prédiction les plus précis sont celles de l'indice S&P 500. Cela s’explique par plusieurs facteurs, notamment la disponibilité des données, la faible volatilité par rapport au Nasdaq, et la liquidité», révèle-t-il. «Ce travail nous a permis d'élaborer un robot qui remplit la tâche de manière automatique à la place de l'humain. Il importe les données automatiquement, les traite et fait des prévisions», précise-t-il. C’est donc un outil concret, utile et utilisable qui a été proposé. Actuellement, il est en cours d’optimisation.

 A.Na

                                               

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À la croisée des chemins entre facilitation du commerce et protection des marchés locaux, Anas Chekrouni s’intéresse à l’accord sur la facilitation des échanges (AFE) et son impact sur le Maroc depuis son entrée en vigueur en 2019. Son travail propose une évaluation à mi-parcours dans le but de déterminer l’impact de cet accord.

Plutôt qu’une analyse globale, le jeune chercheur adopte une approche ciblée qui se donne pour objectif de formuler des recommandations concrètes et applicables pour optimiser la facilitation du commerce au Maroc. Son parcours académique en économie et management international a très tôt nourrit son intérêt pour les enjeux de l’économie internationale. Après avoir consacré son mémoire de master à l’impact du démantèlement tarifaire sur la performance des entreprises marocaines, il approfondit aujourd’hui ses recherches doctorales en s’attaquant à cet enjeu clé. «Ma préoccupation centrale est de rendre opérationnels les enseignements de ma recherche pour les acteurs économiques et institutionnels marocains», partage Anas Chekrouni.                                                    

En parallèle à ses travaux de recherche, il intervient comme enseignant vacataire au sein d’établissements privés et publics de l’enseignement supérieur. Animé par la volonté de décloisonner le dialogue entre recherche académique et décision publique, il organise également des séminaires et communications scientifiques thématiques. Sa nomination au Prix de L’Économiste n’a fait que renforcer sa passion pour la recherche. Il envisage de poursuivre dans cette voie, que ce soit en tant qu’enseignant-chercheur ou à travers une collaboration avec des organismes de recherche nationaux et internationaux.  Ouvert aux opportunités dans le secteur public ou privé, Anas Chekrouni aspire à mettre ses compétences au service de l’élaboration et de l’évolution des politiques publiques liées au commerce international. «L'essentiel pour moi est de trouver un environnement stimulant où je pourrai continuer à apporter une contribution significative», confie-t-il.

Ghita BOUSLIKHANE (stagiaire)       

                                               

Moderniser la gestion des universités publiques

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Issue de la faculté des sciences juridiques et sociales de Tétouan, Abir Hanafi a vécu de près les réalités du système éducatif marocain. Après avoir obtenu en 2016 un master en finance et audit, elle consacre sa thèse doctorale à l’optimisation du contrôle de gestion dans les universités publiques marocaines, en s’appuyant sur l’approche du New Public Management (NPM).

Cette méthodologie vise à moderniser la gestion des institutions publiques dans le but de faire face à des défis majeurs, tels le manque de financement ou le gestion sous optimale des ressources. Convaincue que les outils de gestion issus du secteur privé peuvent être adaptés aux particularités des universités marocaines, elle explore les leviers permettant de renforcer leur gouvernance et leur performance. «Notre recherche ambitionne d’enrichir le débat sur le New Public Management au Maroc» partage Abir Hanafi.

Mais son engagement dépasse le cadre académique. Experte dans son domaine, elle occupe actuellement le poste de coordinatrice du contrôle interne et gestion des risques au sein de l’administration communale d’Etterbeek à Bruxelles. Animée par une passion indéfectible pour la recherche, Abir aspire à continuer sur cette voie, et concilier son expertise professionnelle et sa vocation académique. «Je suis passionnée par la recherche: elle me permet d’apprendre toujours quelque chose de nouveau, d’affiner mes connaissances et de me mettre constamment au défi», affirme-t-elle.

G.B