Depuis le début de son quinquennat, Monsieur le président de la République française insiste sur la place que les diasporas doivent prendre dans la relation renouvelée avec l’Afrique. Les crises sanitaire et économique que nous traversons font apparaître aujourd’hui leur rôle crucial. C’est dans ce contexte qu’une trentaine de députés issus de différents groupes(1) a, cette semaine, introduit des amendements au projet de loi de finances rectificative en discussion à l’Assemblée nationale pour favoriser la bi-bancarisation, laquelle peut être un élément du partenariat entre l’Afrique et l’Europe.

A côté de l’aide publique au développement (APD) et des investissements directs étrangers (IDE), les diasporas africaines contribuent fortement au financement de l’économie de nombreux pays du continent par les transferts de fonds (voir encadré).
Tout récemment, dans la presse, quelque cinquante-neuf parlementaires appelaient le gouvernement à prendre deux mesures: défiscaliser le coût des transferts et accélérer la bi-bancarisation(2).
La question de la bi-bancarisation mérite en effet l’attention des pouvoirs publics, dans l’intérêt des deux parties, de l’Afrique, bien sûr, mais aussi de l’Europe.
Ce dispositif favorise l’accès des populations immigrées aux services bancaires non seulement dans leur pays d’accueil, mais aussi dans leur pays d’origine. Il contribue à réduire le coût des transferts, certains opérateurs profitant du fait que de nombreux migrants ne disposent pas d’un compte en banque pour pratiquer des tarifs exagérément élevés. Il participe à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en intégrant, dans le circuit bancaire, des transferts d’argent qui, autrement, empruntent des circuits parallèles.
Mais des freins persistent. La bi-bancarisation exige, pour être efficace, que les banques africaines puissent offrir leurs services bancaires sur le territoire des pays où se trouvent les diasporas. La France n’est pas restée inerte. Un dispositif existe depuis 6 ans, codifié aux articles L. 318-1 à L. 318-5 du Code monétaire et financier, lequel autorise, sous conditions, les banques des pays bénéficiaires de l’APD à commercialiser leurs services en France.
Cependant, force est de constater que seules deux banques étrangères(3) ont, en 6 ans, été autorisées à offrir leurs services dans l’Hexagone. Ces deux banques sont marocaines, démontrant ainsi le rôle majeur qu’elles jouent tant au nord qu’au sud de la Méditerranée pour sécuriser les flux d’argent, financer le développement et accroître l’inclusion financière. Des améliorations pourraient être apportées. La commercialisation ne devrait pas être réservée aux seuls établissements de crédit, mais devrait pouvoir être confiée à d’autres structures susceptibles de pouvoir exercer une activité d’intermédiation bancaire, tels les assureurs, y compris ceux de l’économie sociale et solidaire, ou bien encore les intermédiaires en opérations de banque et de services de paiement, ainsi que les établissements de paiement et de monnaie électronique. La gamme de services et produits commercialisables devrait être élargie à la souscription de produits d’investissement de préférence collectifs (de type OPCVM) de façon à orienter l’épargne vers les secteurs prioritaires (celui des TPME en particulier).

L’Europe avait affiché son volontarisme sur la question lors du G8 de l’Aquila en 2009 et le G20 de Cannes en 2011. Mais les intentions sont restées lettre morte. Aucun texte communautaire ne régit aujourd’hui, de façon unique ou au moins harmonisée, la commercialisation des services bancaires africains en Europe. Certaines autorités bancaires nationales perçoivent même, dans cette commercialisation, une atteinte aux monopoles bancaires nationaux: fâcheuse (et peut-être volontaire) méprise.
La France, avec l’aide de ses partenaires africains, dont le Royaume, devrait être capable de sortir l’Europe de sa torpeur sur un sujet concret qui permet d’avancer sur la voie d’un partenariat Europe-Afrique transformé dont Monsieur le président de la République est le promoteur.
L'apport des diasporas africaines
En 2019, les transferts de fonds des diasporas africaines s’élevaient à environ 7 milliards de dollars pour le Maroc, 2 milliards pour la Tunisie, 1,8 milliard pour l’Algérie, 2,5 milliards pour le Sénégal, 2,8 milliards pour le Kenya, 0,6 milliard pour le Soudan. Le montant total des transferts au profit des pays à faible ou moyen revenu dépassait 550 milliards de dollars, ce qui représentait plus de 30% du PNB de certains pays. Selon la Banque mondiale, ces envois de fonds, qui aident le plus souvent les familles à assurer les dépenses alimentaires, de santé et d’éducation, devraient chuter d’environ 20% en 2020. Une situation qui doit amener à réagir.
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(1) Initiative lancée par Sira Sylla.
(2) L’Opinion, tribune collective, dont Sira Sylla est l’un des signataires, Facilitons le soutien des diasporas africaines à l’Afrique, 29 mai 2020.
(3) www.regafi.fr/spip.php?page=results&type=advanced&id_secteur=1&lang=fr&d...
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