«Les fake news génèrent beaucoup de peur. Il faut les contrer pour éviter les conséquences graves sur la sécurité publique et la sérénité des citoyens», précise la DGSN. Ce constat émane de son étude de janvier 2020 sur les risques sécuritaires du coronavirus. Ses grandes lignes ont été présentées en exclusivité à L’Economiste.

«Les fake news alimentent la panique et celle-ci engendre mouvements de foule, achats massifs, spéculation sur les prix... Cette situation peut créer une rareté artificielle au niveau des ressources alimentaires et médicamenteuses», confie Boubker Sabik, responsable du pôle communication de la DGSN.
Les «informations» fausses ou trompeuses visent à manipuler l’opinion publique. Elles peuvent «nourrir un sentiment d’insécurité» chez les citoyens. Ce ressenti prend la forme d’une crainte de se retrouver en manque d’aliments, de médicaments, de transports... Un cercle vicieux qui s’est relativement manifesté en zones urbaines. Démonstration d’un mouvement de panique.
Des supermarchés, comme au quartier Bourgogne à Casablanca, ont été envahis vendredi 13 mars par une population soucieuse de s’approvisionner. Ce mouvement inhabituel de consommation s’est produit trois jours avant la fermeture des écoles annoncée pour le 16 mars par le ministère de l’Education nationale. Ce n’était pourtant que l’une des mesures préventives de lutte contre la propagation du coronavirus.
Mais les réseaux sociaux ont amplifié la donne. Des enseignes de la grande distribution ont dû réagir pour rassurer leur clientèle.
«Nous avons constaté une activité significative dans nos points de vente. Ce qui a causé une rupture temporaire dans certains produits. Nos rayons seront approvisionnés dans les plus brefs délais et nous disposons d’un stock suffisant pour couvrir vos besoins pour les semaines et les mois à venir», a annoncé, vendredi 13 mars, la direction de Carrefour tout en rassurant aussi sur «l’opérabilité de sa chaîne logistique».
Des opérateurs, comme ceux de l’énergie (ONEE) ou de centres d’appel ont été la cible d’une désinformation mettant en jeu l’ordre public économique. Le cas de Webhelp Maroc et ses 10.000 collaborateurs est significatif. Lassée par «la diffamation et les fake news», l’entreprise a déployé une communication de crise.
Webhelp Maroc a rassuré sur «sa capacité à gérer et suivre» l’état d’urgence sanitaire mis en vigueur dès le 20 mars par le ministère de l’Intérieur. L’opérateur d’offshoring a «réitéré publiquement son engagement pour la santé et la sécurité» de ses collaborateurs.
81 enquêtes judiciaires

Même des structures officielles, comme les ministères de l’Intérieur ou de la Santé, ont dû faire les frais des mauvais plaisantins du Net. L’Intérieur a dû monter au créneau pour rappeler que «la production et la diffusion de fausses informations portant atteinte à la sécurité des citoyens sont sanctionnées par la loi». Le ministère public a également réagi face à la menace persistante des fake news.
«Des instructions fermes ont été données aux procureurs (...) pour engager des poursuites contre les propagateurs de fausses nouvelles liées au coronavirus», note le président du ministère public, M’hamed Abdenabaoui. Il a averti dans son communiqué du 17 mars 2020 sur les conséquences directes des fake news: «propager la terreur et porter atteinte à l’ordre public».
Du 24 mars au 2 avril, le ministère public a ouvert 81 enquêtes judiciaires contre les auteurs présumés de fausses nouvelles et plus d’une soixantaine d’individus a été poursuivie. Les enquêtes sont toujours en cours, précise la présidence du ministère public. Un constat s’impose. Le téléphone arabe 4.0 amplifie le sentiment d’insécurité.
D’autant plus que les citoyens sont à fleur de peau depuis l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Dans cette conjoncture critique, la désinformation a sévi sur les réseaux sociaux et certains sites internet.
La police judiciaire a dû procéder à des arrestations: 62 personnes à fin mars 2020 (voir pages 18 et 19). Est-ce que c’est beaucoup par rapport à d’autres pays? «Nous n’avons pas de données comparatives. Pour l’heure, la plupart des services de sécurité sont occupés à gérer la pandémie du coronavirus et le confinement imposé à leurs citoyens», précise la DGSN. Coronavirus ou pas, la guerre contre la désinformation et la manipulation de l’opinion publique continue.
Pandémie, émeutes, carence... Le pire scénario

«La diffusion de fake news génère un sentiment d’insécurité qui encourage le crime. Il y a risque de débordements graves et dangereux sur la voie publique: émeutes, vandalisme, pillages...», analyse Mohammed Berrada. Il dirige depuis Rabat la division des affaires pénales de la Sûreté nationale. Il faut s’attendre à tous les scénarios lorsque la collectivité est terrorisée.
«L’effet psychologique d’une fausse nouvelle peut engendrer l’effondrement de l’ordre public», poursuit Boubker Sabik. Le responsable du pôle communication de la DGSN donne l’exemple de l’enregistrement faisant état d’une prétendue «propagation du coronavirus et de l’intervention de l’armée à Marrakech» (voir pages 18 et 19). Pandémie, insécurité, pénurie... Un scénario que personne n’aimerait vivre même dans ses pires cauchemars.
F.F.
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