LE financement du Budget est problématique, si bien qu'un moment la possibilité de financer le gap en recourant à l'amnistie fiscale est apparue séduisante. Cette éventualité fut heureusement repoussée, notamment par le Ministère des Finances. Le recours à l'amnistie fiscale aurait remis en cause des principes autrement plus importants que le financement budgétaire.
Par nature, l'amnistie fiscale est une mesure d'exception destinée à apurer une situation désordonnée. Son effet positif est tributaire du caractère exceptionnel. A répétition, elle déstabilise le système fiscal et pénalise les contribuables "prudents et diligents". Il n'est pas déraisonnable d'y voir une remise en cause des droits de l'homme-contribuable, être éminemment respectable puisque sans lui il n'y aurait pas de budget du tout.
Le Maroc a déjà connu deux amnisties fiscales en dix ans. C'était déjà deux de trop. Le recours à une troisième loi d'amnistie aurait eu un effet désastreux. La loi, comme la monnaie, vaut par le crédit que lui reconnaissent ceux qui y sont assujettis et qui s'y assujettissent. C'est ce qui fait la vraie force d'une loi, car la répression ne s'adresse en réalité qu'aux déviants et aux situations marginales. L'idée d'une amnistie fiscale inverse complètement le principe : elle considère la déviance comme la situation normale et rejette le reste dans la marginalité.
Ecarter la règle périodiquement sous prétexte qu'elle n'est pas respectée par tous, c'est tenir un raisonnement général en fonction de situations marginales. Cela reviendrait en l'espèce à ruiner la politique fiscale et à remettre en cause le crédit dont bénéficie l'ordre juridique. Les 4 à 5 milliards qui manquent au Budget ne valent pas que l'on mette l'Etat de droit sens dessus dessous.
Abdelmounaïm DILAMI