Saâdeddine El Othmani est à la croisée des chemins. Le chef du gouvernement est pris entre deux feux. D’un côté, il est affaibli par le manque de cohérence dans sa majorité dont ses composantes lui rendent la vie difficile. De l’autre, et c’est plus grave, un incendie est allumé dans sa propre maison, le PJD et qui risque de ravager toutes les fondations.

En effet, le feu est parti d’un mémorandum initié il y a quelques jours par un groupe de la Jeunesse de son parti. Les signataires de ce document réclament du conseil national une convocation pour la tenue d’un congrès extraordinaire lors de sa prochaine session.
Cette affaire s’est vite propagée comme une traînée de poudre. En effet, cette initiative, baptisée «critique et évaluation», suscite beaucoup d’enthousiasme au sein des instances de cette formation. En moins de quelques jours, le nombre de signataires de la pétition a dépassé les 300, avec une percée dans les rangs du conseil national, du comité central de la Jeunesse. Pour l’heure, le Secrétariat général du PJD n’a pas fait de commentaire.
Si au siège du parti, l’accueil de cette initiative n’a pas été à la hauteur (le directeur du PJD a refusé de réceptionner le document), il en va autrement au conseil national, présidé par Driss El Azami. En effet, le député et maire de Fès a provoqué une réunion de son bureau pour discuter de cette initiative politique. Un geste de cet ancien ministre a donné de la crédibilité au mémorandum et une nouvelle dimension à cette initiative.
Tactiquement, il a désigné la présidente de la commission politique Bouthaina Karrouri (épouse de Abdelali Hamidine) en vue de prendre en charge l’approfondissement du débat sur la situation politique et les questions soulevées par le document. Il a toutefois précisé aux initiateurs de cette entreprise que la tenue d’un congrès extraordinaire exigeait le respect des procédures visant à rassembler les signatures des deux tiers des membres du parlement du parti (conseil national). Cette séquence rappelle le dernier congrès du PJD où Saâdeddine El Othmani avait affronté Driss El Azami, coaché par Benkirane. El Azami a perdu mais s’est rattrapé en tant que président du conseil national.
Il ne faut pas être un grand clerc pour comprendre que cette initiative vise un putsch contre le secrétaire général avant les prochaines élections de 2021, sachant que le prochain congrès ordinaire est prévu juste après.
L’autre facette est le retour aux affaires de Abdelilah Benkirane, qui deviendrait le nouveau patron du PJD. A ce titre, il trancherait dans les accréditations, conduirait la campagne électorale et mènerait les négociations de son parti pour la formation du gouvernement. Officiellement, ceux à l’origine de cette entreprise rejettent cette idée et font valoir une initiative de membres de la Jeunesse du parti. Sauf qu’en quelques jours, cette initiative a réussi à provoquer un séisme dans le parti.
D’ailleurs, l’accueil bienveillant de cette initiative par le président du conseil national et son bureau démontre que le scénario de la tentative de putsch est téléguidé par de hauts responsables au sein du PJD, qui ont toujours été des partisans de Benkirane.
Outre le président Driss El Azami, le bureau du conseil national compte d’autres proches de l’ancien chef du gouvernement comme notamment Abdelali Hamidine, Khalid Boucarii et Amina Maealainine,… Le document s’en prend à la gestion du parti et du gouvernement, y compris le traitement de l’affaire de Abdelali Hamidine. D’ailleurs, une audience de ce procès était programmée hier mardi. Elle a été reportée à mars prochain.
Pour rappel, Abdelilah Benkirane s’était déplacé au tribunal de Fès, en compagnie d’autres membres du secrétariat général, pour soutenir ce parlementaire du PJD qui fait l’objet de poursuites judiciaires dans l’affaire du décès de l’étudiant Ait El Jaid dans les années 90.
Idem pour le traitement de la démission de Driss El Azami de la présidence du groupe parlementaire du PJD à la suite du vote du projet de loi relative à la réforme de l’Education ayant introduit l’apprentissage des matières scientifiques dans les langues étrangères.
Le PJD avait alors monté le slogan de «franciser l’enseignement» alors que la loi, à aucun moment, ne mentionne la langue française. L’actuel SG du PJD avait validé la démission et choisi un autre chef de groupe parlementaire.
Amekraz embarrassé par les siens

L’autre critique formulée concerne l’affaiblissement de la Jeunesse après la nomination de son secrétaire général Mohamed Amekraz en tant que ministre du Travail et de l’insertion professionnelle. D’ailleurs, dans cette affaire, le ministre patron de cette organisation s’est senti embarrassé par cette initiative, prise sans qu’il ne soit au courant. Mais en tant que politique, il a cherché à surfer sur la vague pour récupérer le dossier. Il a affirmé que l’initiative est positive d’autant que le parti est ouvert à toutes les discussions et toutes les critiques.
M.C.
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