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Kenya: Ces puits qui changent la donne

Par L'Economiste | Edition N°:6469 Le 08/03/2023 | Partager

Dans les régions kényanes frappées par la sécheresse, les puits de forage changent le quotidien des femmes. Ils leur fournissent l'eau dont elles ont désespérément besoin au plus près de chez elles, et leur évitent les longs trajets où elles sont exposées aux violences sexuelles.

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Veronica Leakono porte un jerrican d'eau tirée au point d'eau de Loosuk, dans le comté de Samburu (Evans Habil) (Ph. DR)

IL est 8h30 du matin lorsque nous arrivons au nouveau projet d'approvisionnement en eau de Loosuk dans le village de Tingasap, à environ 30 kilomètres de la ville de Maralal dans le comté de Samburu. Des femmes font patiemment la queue pour pouvoir remplir leurs bidons d'eau. Parmi elles, Veronica Leakono attend depuis 30 minutes. Lorsque son tour arrive enfin, elle remplit quatre bidons d'eau de 20 litres. «Cela me suffira aujourd’hui pour mes tâches ménagères et abreuver mes quelques chèvres. Je suis contente d'être arrivée tôt, cela me donnera le temps de faire plus de choses à la maison». Avant l'installation de ce nouveau système de forage d'eau, elle devait marcher 6 kilomètres aller-retour pour aller chercher de l'eau dans un autre village. C'était si loin qu'elle ne pouvait aller chercher que deux jerricans par jour.

«Je devais partir de chez moi à 4 heures du matin pour me rendre au forage avant 5 heures du matin et éviter les longues files d'attente, se souvient-elle. Nous remercions Dieu pour ce puits. Il était attendu depuis longtemps, et nous sommes reconnaissants qu'il soit venu atténuer nos souffrances. Avant, je n'avais le temps pour aucune autre tâche, ni agricole ni ménagère, car je passais le plus clair de mon temps à aller chercher de l'eau».

La Croix-Rouge du Kenya, en collaboration avec l'Agence américaine pour le développement international (USAID), est responsable de ce projet qui vise à atténuer certains des effets des sécheresses récurrentes. Ici, les arbres n'ont plus que quelques feuilles vertes, les rivières se sont asséchées et des vaches et des chèvres visiblement affaiblies se rendent au point d'eau, suivies de près par des bergers. Les familles et les agriculteurs ne savent jamais s'ils auront accès à de l'eau potable pour leurs maisons, leurs champs et leur bétail.

L'insécurité de l'eau est devenue une réalité pour les sociétés pastorales et nomades. Dans la communauté Samburu, la responsabilité d'aller chercher l'eau incombe aux femmes. Les contrôles de routine effectués par l'Autorité de gestion de la sécheresse ont montré qu'au plus fort de la sécheresse de 2017, les femmes de certaines régions parcouraient plus de 15 kilomètres par jour pour trouver de l'eau, ce qui leur laissait peu ou pas de temps pour s'occuper des enfants, faire la cuisine ou mener d'autres activités.

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Les réservoirs d'eau du forage de Nyangaita assurent un approvisionnement ininterrompu (Ph .Sammy Lutta)

«Les jeunes mères et les filles parcourent de nombreux kilomètres à la recherche d'eau, ce qui les rend vulnérables aux violences sexuelles et sexistes. Les filles consommé l'eau du marécage. Nous sommes heureux que le nouveau forage nous donne de l'eau propre, ce qui réduira considérablement les cas de maladies d'origine hydrique». Gabriel Letukei, secrétaire du comité chargé du projet d'approvisionnement en eau, convient que le nouveau forage améliorera les conditions de vie ici, en fournissant de l'eau à plus de 5.000 ménages répartis dans les villages de Tingasap et Loosuk. Il craint toutefois que le puits s’épuise si la sécheresse actuelle persiste.

Il explique que pour réduire les coûts au minimum, ils ont installé un système à énergie solaire pour pomper l'eau vers des réservoirs de stockage, qui seront placés dans des kiosques à eau installés à différents endroits dans les villages. Les habitants pourront ainsi s'approvisionner sans avoir à parcourir de longues distances. Morris Anyango, responsable régional de la Croix-Rouge kényane, explique qu'ils ont formé des habitants sélectionnés pour qu'ils soient responsables des petites réparations du système d'approvisionnement en eau.

Jusqu'à présent, son organisation a mis en place huit projets similaires dans le comté de Samburu, permettant à 25.000 habitants d'avoir accès à de l'eau potable. «Ces projets d'approvisionnement en eau contribueront également à la lutte contre les viomanquent l'école, et les femmes n'ont pas le temps d’accomplir d’autres tâches parce qu'elles passent la majeure partie de leur journée à aller chercher de l'eau», indique Susan Leaduma, membre du comité qui gère le projet d'approvisionnement en eau. Elle explique qu'elles sont souvent obligées de se procurer de l'eau dans un marécage local, ce qui présente des risques sanitaires dus aux maladies hydriques - une situation aggravée par le fait que seule une personne sur dix traite son eau avant de la consommer.

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La culture de niébé d'Ann Ekidor dépend du forage de Nyangaita pour son irrigation (Ph. Sammy Lutta)

«De nombreux habitants, en particulier des enfants, ont souffert de maux d'estomac et de diarrhée après avoir lences sexuelles et sexistes à l'égard des filles et des femmes, assure-t-il, en écho aux propos de Susan Leaduma. De nombreux cas d’agression sexuelle et de mutilation génitale à l’encontre des filles se produisent tôt le matin ou tard le soir, aux moments où elles sortent pour aller chercher de l'eau». Les forages peuvent également avoir d’autres impacts positifs. C'est le cas pour Margaret Esinyen, 45 ans, qui possède une petite ferme à l'intérieur de Katilu Ward, dans le comté de Turkana. En milieu de matinée, elle transpire déjà sous la chaleur étouffante, mais cela ne semble pas la déranger. «Sur ma ferme irriguée de 4.000 m2, je cultive des légumes très nutritifs comme le niébé, le haricot mungo et le sorgho, explique-telle.

L'eau est facilement disponible grâce à un forage à haut rendement». Ses légumes verts luxuriants détonnent dans ce paysage aride de fourrés secs parsemés d'acacias. Quelque 800.000 personnes du comté de Turkana dépendent actuellement de l'aide alimentaire en raison de la sécheresse prolongée, mais Margaret Esinyen et sa famille de six personnes peuvent compter sur des repas décents grâce à ses légumes qui poussent rapidement. Elle s'est tournée vers l'agriculture parce que le bétail de la famille mourait à chaque fois qu'il y avait une sécheresse.

«Chaque récolte prend trois mois, et j'en plante plus chaque mois, de sorte que lorsque mes enfants ont faim, je peux simplement cueillir les légumes et les cuisiner. Je vends le surplus aux hôtels, au marché local du centre de Katilu et dans la ville de Lokichar. J'utilise les revenus pour acheter des céréales et de la viande, et j'en garde une partie pour les troquer contre des frais de scolarité et des médicaments au cas où l'un de nous tombe malade». Elle a formé ses enfants pour qu'ils l'aident dans ses activités agricoles lorsqu'elle est occupée ailleurs.

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Ce projet de forage a été mis en oeuvre par l'organisation PanAfricare dans le cadre du projet Impact (Approche améliorée de la nutrition communautaire au Turkana) financé par le Fonds Bayer. Margaret Akiru, qui cultive également ses légumes grâce à ce projet, raconte qu'avant septembre dernier, elle faisait partie des personnes touchées par la sécheresse alors que la région possède un énorme potentiel agricole. «La rivière Turkwel se trouve à moins d'un kilomètre et les terres arables sont abondantes», ditelle, mais sans possibilité d'acheminer l'eau jusqu'aux champs, les habitants n'avaient d'autre choix que de poursuivre le pastoralisme traditionnel, ce qui signifiait perdre leur bétail à cause de la sécheresse ou des bandits pendant les conflits armés. «Maintenant que nous avons un forage qui permet d'irriguer et de cultiver des légumes, nous espérons que les femmes des plus de 300 familles vivant ici se lanceront dans l'agriculture. C'est un moyen fiable de lutter contre la malnutrition ». Peter Outa, porte-parole de PanAfricare, explique qu'ils aident 800 personnes de la région à passer du pastoralisme à l'agropastoralisme; l'idée est qu'ils gardent leur bétail mais s'installent au même endroit maintenant qu'il est possible de cultiver de la nourriture. Jusqu'à présent, ils ont foré 10 puits dans des villages situés loin de la rivière Turkwel.

PanAfricare fournit également des semences gratuites pour des cultures à haute valeur nutritive qui arrivent à maturité en moins de trois mois. «Ces forages sont alimentés par l'énergie solaire et disposent de pompes à eau et de réservoirs de stockage, explique Outa. Cela a permis de transformer les fermes saisonnières en fermes capables de produire de la nourriture tout au long de l'année». En partenariat avec le gouvernement du comté de Turkana, l'ONG s'efforce également d'améliorer l'accès à des services de santé de qualité et de fournir des informations qui permettront de prévenir et de traiter la malnutrition.

                                                            

Catastrophes climatiques

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Par Kamau MAICHUHIE et Sammy LUTTA

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