Marrakech du rire Jamel Debbouze: «La scène émergente me nourrit artistiquement»
Son rêve est d’organiser un Marrakech du rire à Paris avec toute cette scène émergente. Pour Jamel Debbouze, parrain de ce festival qu’il a initié il y a 5 ans avec son frère, Karim, il y a un grand potentiel. Et c’est à la terrasse du Sofitel que Jamel nous reçoit pour parler du festival, des humoristes marocains et de la scène africaine.
- L’Economiste: Il y a deux ans, on a parlé de rentabilité du festival pour 2015! Où en êtes-vous?
- Jamel Debbouze: Non malheureusement, nous perdons encore de l’argent cette année, 200.000 euros plus exactement. Nous avons quelques sponsors mais je trouve que d’une manière générale le privé ne joue pas suffisamment le jeu pour un festival de cette envergure. Hamdoullah, je ne fais pas ce genre d’opération pour gagner de l’argent, mais, je suis en revanche agacé d’entendre des gens -qui ne sont ni concernés ni avertis- dire que l’on se gave financièrement.
- Vous donnez la part belle aux artistes Marocains. Un choix délibéré?
- Depuis toujours. C’est même l’idée de ce festival. Et j’ai eu raison. Regardez le parcours d’Eko. On a misé sur ce jeune artiste inconnu avant le festival et aujourd’hui il joue sur la scène Badii en faisant un carton. Même en France, on ne peut pas faire une carrière aussi fulgurante en si peu de temps. Vraiment, ce parcours est la vitrine de ce qu’on souhaite réaliser avec le festival. Et j’attends vraiment de voir les réactions du public cette année pour réaliser mon rêve. Celui d’organiser le Marrakech du rire à Paris.
- Et les artistes locaux sont-ils exportables ?
- Et comment! C’est pour cela que je dis toujours que ce n’est pas perdre de l’argent que d’investir en ces jeunes talents. Et je sais que ma mission est de continuer à aider la scène émergente. De l’aider parce qu’elle me nourrit aussi artistiquement pour que jamais ne se tarisse cette envie de monter sur scène et de raconter.
- On ne vous voit pas cette année dans un show à part?
- Il faut laisser la place aux autres. L’affiche de cette année est assez symbolique de ce qu’on veut faire de ce festival. Jusqu’à présent, c’était moi qui incarnais le MDR et je voudrais que désormais, ces artistes en soient les stars. Et ils le sont avec la Halka, Humouraji et surtout la scène africaine. Nous avons fait une tournée en Afrique et on s’est rendu compte qu’il y avait une force de comédie dingue dans le continent.
- Le contexte actuel est dérangé par le politiquement correct. Laisse-t-il moins de liberté aux artistes?
- Ce sont les éternels débats et bagarres depuis le temps des grecs. Moi, je suis persuadé que les artistes doivent faire un travail considérable pour faire évoluer les mœurs et les politiques doivent trouver un cadre adéquat. On est censés, nous artistes et eux politiques, élever le niveau, d’emmener les gens plus loin dans la réflexion. Il y a parfois des politiques qui ne font pas leur travail et des artistes qui font mal le leur ou encore des gens qui divisent. Mais on évolue. Personnellement, je suis un optimiste et je vois le verre à moitié plein.
- Que pensez-vous justement de la grosse polémique née après le spectacle de Jennifer Lopez?
- J’étais mort de rire. Bon, ce n’était pas très fin de diffuser la culotte de Jennifer Lopez en direct dans tous les foyers marocains, mais elle était belle non? Nous avons l’habitude de cette ambivalence et c’est très hypocrite et schizophrène de notre part... Maintenant, il faut prendre en compte notre culture et notre histoire, c’est certain, mais ne pas nier l’évidence et le futur. On parle de 4.0 et nous on en est encore à s’offusquer de la culotte de Jennifer Lopez. Quand on invite JLO, on se doute qu’elle va nous montrer sa culotte. C’est pour cela qu’on la paye d’ailleurs!
- Quel bilan faites-vous de votre film «Pourquoi j’ai (pas) mangé mon père», votre premier en tant que réalisateur et quid de l’accueil du public en France et au Maroc ?
- Le film est sorti aussi dans d’autres pays. Pour l’instant, il est encore à l’affiche et on n’est pas loin de 2 millions et demi de spectateurs, c’est bien pour un film d’animation! C’est mon premier film en motion capture qui m’a pris 7 ans et je l’ai abordé de la manière la plus naturelle qui soit. On est les pionniers en France tout comme nous étions pionniers à avoir tourné les séries en direct avec H qui est devenu Hamdoullah une série culte. Quand on est les premiers à aller vers un format, on essuie toujours les plâtres. Mais, s’il y a une chose qui a fait mal à mon film, c’est bien la météo. Il faisait beau durant les trois semaines qui ont suivi sa sortie et le taux de fréquentation des salles s’en est ressenti. Malgré tout, le film est resté numéro un du box office durant la première semaine. Plus sérieusement si le film a des lacunes, je n’ai pas encore suffisamment de distance pour en parler.
- Parlez -nous de vos futurs projets
- M’abonner à l’Economiste (rires). Je rigole je suis déjà abonné pour rester justement en contact avec mon pays. Je vous fais une confidence: mon agenda est quasiment libre car je veux me consacrer à ma famille. J’ai beaucoup travaillé ces derniers temps et je ne veux pas rater ce coche avec mes enfants. Ensuite je m’acharnerais vraiment à soutenir les talents que j’ai découvert à Marrakech, à Abidjan et dans plusieurs pays africains. Cela fait partie de notre avenir à nous Kissman- petite boîte de production à Paris.
- Un dernier mot peut-être?
- S’il y a un soutien à apporter à notre pays, c’est bien par le biais de la culture et des arts que cela doit se faire, et c’est ce que je prône et je défends et je compte vraiment sur le secteur privé pour venir me donner un coup de main.
Propos receuillis par Badra BERRISSOULE