Une ONG japonaise sensibilise les «stagiaires» étrangères sur les difficultés qu’elles peuvent rencontrer lors d’une grossesse au Japon.
Vivre une grossesse dans un pays étranger est souvent source d’anxiété, et c’est particulièrement le cas pour les «stagiaires techniques», qui travaillent dans le cadre du fameux programme de formation professionnelle japonais. Depuis longtemps, on reproche à ce système d’exploiter des personnes étrangères vulnérables, notamment en les utilisant comme main-d’œuvre bon marché pour des emplois indésirables ou dangereux.
Pour prévenir les tragédies impliquant des stagiaires techniques étrangères enceintes, une ONG informe ces femmes, en faisant le point sur les vérités et les contre-vérités, et leur indique vers qui elles peuvent se tourner pour obtenir de l’aide si elles tombent enceintes dans le pays.
Lors d’un cours en ligne proposé par l’organisation à but non lucratif Mother’s Tree Japan au début du mois de juillet, Tomomi Tsubonoya, directrice exécutive, implore les stagiaires techniques vietnamiennes participant à la session: «Si vous découvrez que vous êtes enceintes, ne vous enfuyez pas. Adressez-vous aux organisations concernées ou contactez-nous». Ce jour-là, environ 40 hommes et femmes d’une vingtaine d’années sur le point de venir au Japon écoutent attentivement les explications transmises via un interprète. Basée à Tokyo, l’ONG a lancé ces cours en ligne gratuits l’été dernier.
«Donner naissance au Japon et élever un enfant jusqu’à l’âge d’un an coûterait environ 1,1 million de yens (7.500 dollars)», continue Tomomi Tsubonoya. Elle explique également aux stagiaires techniques comment utiliser les moyens de contraception et où se procurer la pilule du lendemain. «Je souhaite que vous construisiez votre vie tout en la chérissant», conclut-elle.
«Être enceinte dans un pays dont la langue, les coutumes et la religion sont différentes constitue déjà une source de stress», explique Tomomi Tsubonoya. Les stagiaires se retrouvent isolées, sans famille sur laquelle compter, et ne peuvent même pas bénéficier d’un examen médical». Elle estime qu’il est important d’informer les stagiaires sur le système japonais avant leur arrivée dans le pays.
Ces cours ont lieu tous les mois, en collaboration avec une autre organisation à but non lucratif qui enseigne le japonais aux stagiaires. L’organisation souhaite également élargir les possibilités d’apprentissage, en collaborant avec des organismes d’affectation situés en Indonésie et au Myanmar.
Le gouvernement japonais envisage de supprimer le programme de «stagiaires techniques» et de le remplacer par un tout nouveau système. «Même si le programme actuel est aboli, les femmes étrangères qui viennent travailler au Japon seront confrontées aux mêmes difficultés liées à la grossesse et à l’accouchement», déclare Tomomi Tsubonoya. «Il est urgent que des mesures soient prises par les autorités centrales et locales».
Consultations en ligne disponibles en six langues et des cours de japonais
Âgée de 51 ans, Tomomi Tsubonoya a fondé Mother’s Tree Japan il y a trois ans pour soutenir les femmes étrangères avant et après l’accouchement. L’organisation propose des consultations en ligne disponibles en six langues et des cours de japonais pour apprendre les termes relatifs à l’accouchement et à la parentalité. Ayant constaté qu’un nombre croissant de stagiaires se sentaient isolés dans le pays, l’organisation a recentré son action sur le soutien aux stagiaires techniques qui s’apprêtent à rejoindre le Japon.
Des incidents tragiques impliquant de jeunes stagiaires enceintes ont été signalés dans tout le Japon. En juin 2023, une stagiaire vietnamienne de 19 ans a été inculpée, accusée d’avoir abandonné son nouveau-né sur un terrain vague de la préfecture d’Hiroshima. Un mois plus tôt, une stagiaire vietnamienne de 21 ans a été arrêtée dans la préfecture de Hyogo, soupçonnée d’avoir abandonné son bébé avec le cordon ombilical encore en place.
Parmi les questions posées à Mother’s Tree, on peut citer la suivante: «Une stagiaire peut-elle être renvoyée si elle tombe enceinte?» Tout licenciement pour cause de grossesse ou d’accouchement est contraire à la loi japonaise sur l’égalité des chances en matière d’emploi, qui s’applique également aux stagiaires techniques. Toutefois, une étude menée l’année dernière auprès de l’Agence japonaise des services d’immigration a révélé qu’un quart des stagiaires s’étaient vu dire par leur organisme d’affectation ou leur centre de formation de retourner dans leur pays d’origine si elles tombaient enceintes.
L’organisation a également reçu un rapport, signalant que des médecins avaient refusé de soigner une femme enceinte qui ne parlait pas japonais, déclarant qu’ils n’avaient pas le temps de s’occuper d’elle.
Par Ari Hirayama
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Cette publication fait partie du programme «Vers l’égalité», dirigé par Sparknews, une alliance collaborative de 16 médias internationaux mettant en lumière les défis et les solutions pour atteindre l’égalité des sexes.