Page 4 - ISCAE La saga de la doyenne des business schools
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              Zoom









              Cinquantenaire de l’ISCAE: La doyenne des                                                                                                               business schools ordonnée par Hassan II





        n Le projet au départ lancé         annonçant une école de commerce                                         mains. La loi relative à l’ISCAE a
        par trois parrains, patrons de      avec une année préparatoire et trois                                    été adoptée et l’année préparatoire
                                            ans d’études, alors qu’il n’y avait
                                                                                                                    a été transformée en 1re année de
        grands groupes                      encore rien!» se rappelle Bena-                                         l’école», se remémore son premier
                                            mour. «Ils avaient également pris                                       directeur.
                                                                                                                      A rue Colbert, l’ISCAE était à
        n Des moyens limités, mais une      un cadre de l’OCE (Office du com-                                       l’étroit. Benamour demande alors
                                            merce extérieur) pour se charger de
        ambition forte                      l’administration, M. Alaoui, et un                                      l’aide de son ministre de tutelle,
                                            Marocain formé en Allemagne pour                                        Abdellatif Ghissassi, ministre du
        n Un partenariat avec HEC           s’occuper de l’aspect pédagogique,                                      Commerce, de l’Industrie et des
        Paris et une ouverture sur l’in-    M. Sekkat. La première promotion,                                       Mines (1974-1977) pour un bâti-
                                                                                                                    ment propre à l’Institut. C’est ainsi
                                            d’une soixantaine d’étudiants, a dé-
        ternational dès le démarrage        marré fin septembre 1971 avec la                                        qu’il décroche un terrain de 5 ha,
                                            prépa. Ce n’est qu’après qu’ils se                                      alors une forêt, sur la route de Noua-
           A la fin des années 60, le Ma- sont mis à chercher un directeur»,                                        ceur. Il fallait attendre l’adoption du
        roc, jeune Etat postcolonial entend  poursuit-il. Approché par un ami                                       budget pour chercher un architecte.
        reprendre son destin en main. Vi- de Sbihi, Lahbib Sinaceur, univer-                                        Impatient, Benamour fait le tour
        sionnaire, le Roi Hassan II prépare  sitaire et homme politique, Bena-                                      des architectes de Casablanca pour
        déjà la «marocanisation» qu’une  mour accepte le poste, et bénéficie    Abdelali Benamour, alors jeune trentenaire,   réaliser des plans «gratuitement»,
        loi viendra consacrer en 1973. Le  d’une nomination royale. Rien ne     enseignant à la faculté de droit de Rabat,   mais avec la promesse de défendre
                                                                                est chargé de donner vie au projet ISCAE.
        Souverain pense ainsi à une école  sera facile pour le jeune directeur.   Il sera fondateur de deux success stories,   leur candidature auprès du conseil
        de formation d’une nouvelle géné- Dès son arrivée à l’établissement,  l’une publique (ISCAE), et l’autre privée   d’administration de l’établissement
        ration de cadres, managers et entre- sis rue Colbert à Casablanca, il se  (HEM) (Ph. AB)                    une fois le budget débloqué. Aucun
        preneurs à même de relever le défi  heurte aux grèves des étudiants                                         n’accepte, hormis un Marocain de
        du développement d’un Maroc nou- qui n’avaient aucune visibilité sur  de background en gestion. «J’ai  confession juive, Aimé Kakon. Les
        veau: l’Institut supérieur du com- la suite de leur formation. S’ils ra- fait appel à des profils avec plus ou  plans seront conçus sur le modèle
        merce et de l’administration des  taient leur année préparatoire, ils  moins des connaissances en manage- d’une Medersa. Dès l’adoption du
        entreprises (ISCAE), qui fête cette  n’avaient aucune alternative, car  ment, dont le président de Goodyear  budget en 1973, Benamour dégaine
        année son cinquantenaire.           il n’y avait pas d’autres écoles au  Maroc, Jibara. Nous ne disposions  les plans sous le regard surpris des
           Le projet est confié à trois «par- Maroc. Abdelali Benamour prend  pas de compétences dans le domaine  membres du conseil d’administra-
        rains», patrons de grands groupes  leur parti et s’en va négocier auprès  à l’époque. Quand vous parliez de  tion. Ces derniers décident fina-
        à l’époque, selon le témoignage  du gouvernement l’intégration de  marketing par exemple, certains  lement de confier l’architecture à
        d’Abdelali Benamour, co-fondateur  l’année préparatoire dans le cursus  vous demandaient c’est quoi cette  Aimé Kakon. Le jeune directeur se
        et premier directeur de l’Institut:  de l’Institut, pour avoir un parcours  bête! J’ai également signé un accord  fixe une année pour la construction
        Abdelghani Sbihi, président de la  en 4 ans. Chose qu’il obtient.       avec HEC Paris», confie Benamour.  des nouveaux locaux sur 14.000
        CTM, Samir Gibara, président de        Il restait un problème de taille,  Dès sa fondation donc, l’ISCAE  m². La dernière étape était celle du
        Googyear Maroc et le DG de Le- les programmes de la doyenne des  se veut ouverte sur le monde de  téléphone, difficile à obtenir dans
        sieur Maroc. «Ils ont eux-mêmes  business schools marocaines. Bena- l’entreprise et sur l’international.  les années 70. D’autres écoles,
        lancé le concours en juin 1971,  mour, économiste, n’avait que peu  «J’ai rédigé les programmes de mes  comme l’EHTP, par exemple, n’en



                                      L’Institut n’échappera pas aux années de plomb


           L’ISCAE a vu le jour dans une  meture de trois mois, la suspension  sement par une machine de type Ro- le minimum syndical. Ils venaient
        période tourmentée de l’histoire du  de trois enseignants et d’un respon- néo, dont l’administration ne savait  à l’établissement rasant les murs,
        Maroc, marquée par les courants  sable administratif pendant 4 ans, et  absolument rien», raconte M’rabet.  donnaient leurs cours et repartaient.
        d’extrême gauche anti-monarchie,  des arrestations parmi les étudiants,  De 1983 à 1987, la doyenne des bu- C’est l’administration qui dominait
        dont les mouvements politiques  selon le cinquième directeur de l’IS- siness schools marocaines connaî- durant cette période», poursuit M’ra-
        marxistes-léninistes 23 mars (par ré-                                                                       bet. Les enseignants suspendus ne
        férence aux protestations étudiantes                                                                        seront réintégrés qu’en 1987. L’école
        de 1965) et Ila Al Amam. Une partie   «Pendant 4 ans, les réunions étaient interdites. Les enseignants      ne reprendra son rythme normal qu’à
        des étudiants et des enseignants de   venaient à l’établissement rasant les murs pour donner leurs          partir de 1988.
        l’Institut adhéraient à ces mouve-                                                                            Rachid M’rabet est lui-même lau-
        ments. «Il y a eu des problèmes et   cours puis repartaient, ne fournissant que le minimum syndical»        réat de l’ISCAE. Il y a aussi été en-
        des arrestations sont survenues parmi                                                                       seignant, directeur des études, DG et
        les étudiants et les enseignants. Cer- CAE, Rachid M’rabet (1995-2011).  tra une véritable traversée du désert.  directeur de l’école doctorale. «Mes
        tains ont écopé de lourdes peines de  «Il y avait des grèves et manifesta- «Après les trois mois, l’établissement  enfants y sont nés!» lance M’rabet.
        prison», confie Abdelali Benamour.  tions dans tout le Maroc. Des tracts  a repris avec une nouvelle direction,  Il a consigné toute l’histoire de l’Ins-
           Durant la première moitié des  ont été distribués, puis retrouvés à  et de nouvelles règles. Les réunions  titut dans un livre à paraître en sep-
        années 80, l’établissement subira  Marrakech. L’enquête est remon- et regroupements étaient interdits.  tembre prochain, pour le «véritable»
        les foudres du puissant ministre de  tée au bureau du syndicat étudiant  C’était la condition pour rouvrir. Les  anniversaire de l’ISCAE, baptisé
        l’Intérieur, Driss Basri. En 1983, un  à l’ISCAE, la Corpo. L’impression  enseignants, dont beaucoup étaient  «Chemins croisés, un homme, une
        incident vaudra à l’Institut une fer- avait été réalisée au sein de l’établis- de l’opposition, n’effectuaient que  institution». o

                                                                       Mardi 8 Juin 2021
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