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Bouabid réagit à l'affaire Hajar Raissouni

Par L'Economiste| Le 07/10/2019 - 16:13 | Partager
Bouabid réagit à l

"Le traitement de l’affaire du médecin et de la journaliste(Hajar Raissouni témoigne d’une décomposition de l’intelligence politique dans notre pays qui a trouvé à s’illustrer de manière assez spectaculaire dans le chantier de la réforme de la justice tel qu’il a été conçu et mis en œuvre", indique Ali Bouabid.

Pour cet intellectuel, "face à cette situation, et hormis l’expression sur la voie publique, aucun canal institutionnel ne permet de faire entendre la voix des citoyens" . "Le seul juge de paix dans cette affaire reste la loi, et surtout l’interprétation que les juges voudront bien en faire. Et dès l’instant que l’on s’interroge sur le jeu de la responsabilité des acteurs, c’est l’impasse et l’impuissance qui dominent", renchérit le président de la Fondation Abderrahim Bouabid. C’est dire que cette affaire relance, selon lui, la question du lien entre justice et politique que nous avions cru naïvement avoir réglé en créant un « pouvoir judiciaire indépendant ».

En effet, singulier paradoxe que celui d’une réforme de la justice qui, célébrant les vertus de la séparation des pouvoirs, se révèle à l’usage (et dans l’affaire qui nous occupe) doublement régressive. "Régressive au regard de la promotion d’un Etat de droit respectueux et protecteur des libertés qu’il a pour tâche de sécuriser de manière impartiale ; mais régressive aussi pour ce qui a trait au respect minimal dû au référentiel démocratique que sanctionne la Constitution mais que la réforme méconnaît. En tant que citoyens nous avons, d’une certaine manière, perdu sur les deux tableaux !", estime l'universitaire. Et d'expliquer: "On a voulu une justice indépendante et donc soustraite à l’emprise du pouvoir politique. Avec l’idée que libres de toute subordination hiérarchique, des magistrats du parquet au statut renforcé s’acquitteraient mieux de leur rôle de protecteurs des libertés et de défenseurs des intérêts de la société auprès des tribunaux". On a eu l’instauration d’un pouvoir judiciaire à l’abri de toute interférence de l’exécutif gouvernemental, mais qui ne répond de ses missions que devant ses pairs. Son action échappe au contrôle démocratique. Quant à la mission fondamentale de protection des libertés et de la société, on peine à y trouver trace dans le réquisitoire et a fortiori dans la sentence prononcés à l’encontre du médecin et de la journaliste. Plus généralement, et étant entendu que les progrès que marque une réforme, ne ressortent jamais avec autant d’éclat qu’à l’épreuve d’une affaire à laquelle ils s’appliquent, l’affaire du médecin et de la journaliste éclaire d’une lumière crue les errements qui ont marqué la réforme de la justice autant dans sa conception initiale que dans ses implications judiciaires et politiques.

En outre, "pouvons-nous continuer à faire dépendre le service public de la justice et donc de la protection de libertés d’une « clause de conscience » dans l’interprétation et l'application de la loi dont l’exercice par les magistrats est aussi aléatoire qu’imprévisible ?, Et quel est le sens des incantations sur la parité homme-femme quand le statut de la femme, comme sujet neutre de droit, est allègrement piétiné de la sorte ?". Ce sont des interrogations parmi d'autres soulevées par Bouabid. Rappelons que ce dernier avait attiré l’attention sur ces aspects dès 2011, et à tout prendre. Il préfère une justice soumise à un pouvoir politique qui répond de ses actes devant les représentants des citoyens, à une justice dont l’indépendance se paie de l’irresponsabilité devant celle et ceux qui ont pour mission au nom des citoyens, de légiférer et de contrôler la bonne exécution des lois". "Là au moins on saura auprès de qui il faut aller protester, non seulement pour changer la loi mais aussi pour réclamer des comptes sur les conditions de son application", conclut-il.