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Aldo Oumouden: «Le Maroc, une alternative économique post Covid-19»

Par L'Economiste| Le 25/04/2020 - 22:04 | Partager
Aldo Oumouden: «Le Maroc, une alternative économique post Covid-19»

 «La crise Covid19 est peut-être une occasion unique d'engager une réflexion sur les équilibres de la mondialisation, sur les relocalisations, finalement sur l'autonomie des leviers de croissance», indiqueAbdelatif Oumoudden, économiste  et auteur du livre «La crise financière, homicide volontaire». (Ph AO)

- «Doté d’une capacité structurelle, le Royaume doit booster l’industrie», estime Aldo Oumouden

- «La création de zones d’économie spéciales et la promotion…nous donnent une place de choix», explique l’économiste

«Le Maroc présente un atout de taille dans la nouvelle stratégie industrielle de l’Europe». C’est la conviction de Abdelatif Oumoudden,consultant formateur en management (Lyon-France), dirigeant de sociétés, et président de l’association «Sors-moi de là » (SMDL) (*). Connu sous le nom d’auteur Aldo Oumouden, ce dernier affirme que « le Royaume pourrait constituer une alternative économique post Covid-19 pour la relocalisation de proximité des entreprises européennes implantées en Chine». Doté d’une capacité structurelle (autoroutes, TGV, Ports maritimes…etc.), notre pays devrait accélérer l’implantation d’entreprises dans différents domaines très sensibles comme l’industrie pharmaceutique, l’industrie agroalimentaire. «Ce qui permettra à l’Europe non seulement de disposer d’un levier industriel à la porte de l’Espagne mais de préserver une certaine souveraineté dans ces domaines contrairement à sa situation actuelle vis-à-vis de la Chine», estime l’auteur du livre «La crise financière, homicide volontaire». Décryptage.

 «Relocaliser» l'économie et réduire les distances​

 De l’avis de Aldo Oumouden, «les ruptures et les tensions actuelles, les nouveaux besoins d'une part et d'autre part la disparition de certains marchés nécessitent des solutions locales ou tout au moins réduire les distances qui séparent ces lieux de production des consommateurs finaux». Mais l'urgence remet en même temps en cause la notion de «relocalisation», qui s'était imposée après la crise de 2008 dans une logique de création d'emplois. Longue, complexe, elle ne se révèle souvent pas suffisamment efficace. Et s'il est important de repenser les filières industrielles, de valoriser le patrimoine national, de retrouver une certaine souveraineté économique on a à présent besoin de solutions plus petites et rapides. «C'est vrai pour les trois quarts des pays du monde, qui à la différence de la France, de l'Italie, de l'Espagne, ne peuvent pas compter sur des industries diversifiées et réallouer des moyens industriels en fonction des besoins tant les pays sont dépendants de la production chinoise», souligne Oumouden.

Faire face aux dangers de la Chine

Par ailleurs, la mondialisation s’apparente en réalité à une «sinisation». «La Chine conditionne le monde», résume l’économiste Philippe Waechter. Ce n’était pas le cas au début des années 2000, au moment de l’épidémie de SRAS, (syndrome respiratoire aigu sévère), notamment. La Chine représente alors moins de 5% du PIB mondial, elle était une puissance émergente comme le Brésil, l'Inde, la Russie. Au moment où la Chine entre à l’OMC en 2001, elle pèse économiquement à peu près le poids de la France. Aujourd'hui, c'est la deuxième économie mondiale. En 20 ans, son PIB a été multiplié par quatre, La Chine c'est 20% de la richesse mondiale, un tiers de la croissance mondiale, 30% de la production manufacturière, et autant du commerce international. «Une concentration extrême, fruit notamment des délocalisations massives de l’industrie européenne, attirée au départ par une main-d'œuvre à bas coût», fait remarquer le président de l’association SMDL. Et d’ajouter : «La Chine est au centre de la chaîne de valeur de l’industrie l’automobile. Elle domine aussi la production textile, celle des composants électroniques. 70% des smartphones sont produits en Chine, pour les jouets, c'est 80%». Quant aux produits pharmaceutiques, même si l’Europe produit encore des médicaments, les principes actifs, eux, sont largement importés de Chine. Le pays produit 90% de la pénicilline, 60% du Doliprane, 50% de l'Ibuprofène. «Il n’y a pas encore de pénurie pour l'instant, mais qu’en sera-t-il si la production chinoise continue à tourner au ralenti pendant des semaines encore ?», s’interroge Oumouden.

La France cherche à se positionner aussi

«La mondialisation n’est pas mauvaise par essence, mais incontrôlée, elle est néfaste. L’Europe la paie chère», estime Aldo Oumouden. L’industrie y représentait 25 % du PIB à la fin des années 70, elle représente maintenant à peine 10 %. La moyenne européenne est à 20 %, l’Allemagne est à 27 %. A ce titre,  la promotion récente du “Made In France“ par exemple, outre son succès de communication, ne parvient pas à réellement changer la donne. Surfant sur la crise du Coronavirus, le ministre français Bruno le Maire en profite pour insister sur la nécessité de "relocaliser l’industrie". Il évoque une vraie réorientation stratégique afin de limiter la dépendance française et européenne. Il cite trois secteurs sensibles : les médicaments (dont 90 % des principes actifs sont produits hors de l’Union européenne), l’automobile électrique (pour laquelle l’Europe commence à peine à déployer des usines), ou encore l’aéronautique (dont l’essentiel des fournisseurs est en Chine) … À cela on pourrait rajouter l’électronique et l’informatique.

Rapprocher la production, c’est réduire la carbonisation de la planète

Le FMI parle de 0,1 point de croissance mondiale en moins. Mais il y a une autre conséquence, plus immatérielle : une prise de conscience forcée, un peu brutale, de la grande dépendance de nos économies à la production chinoise. Sanofi réfléchit d’ailleurs à réimplanter en Europe des sites de productions de principes actifs. «Cette crise est peut-être une occasion unique d'engager une réflexion sur les équilibres de la mondialisation, sur les relocalisations, finalement sur l'autonomie des leviers de croissance», estime Aldo Oumouden. «La question est économique, elle relève aussi de l’indépendance stratégique face à l’autoritaire régime chinois», renchérit-il. Sur la même période en 2019, la Chine a rejeté environ 400 millions de tonnes de CO2 (MtCO2), ce qui signifie que le virus pourrait avoir réduit les émissions mondiales de 100 MtCO2 à ce jour, soit 6 % des émissions mondiales sur la même période. La question clé est de savoir si les impacts sont durables, ou s’ils seront compensés - ou même inversés - par la réponse du gouvernement à la crise et par des nouvelles stratégies de diversification de production dans les pays les plus proches. Sans oublier l’enjeu écologique majeur dont l’impact sur l’économie était déjà prévisible avant la crise. «Dans ce contexte, le Maroc présente aujourd’hui une excellente alternative pour une relocalisation régionale des industries européennes», conclut Oumoudden.

 Enclencher un travail d’organisation

Pour Aldo Oumouden, «le Maroc a tout à gagner à enclencher très rapidement un travail d’organisation (création de zones d’économie spéciales) et de communication pour promouvoir les dispositions d’accueil et exploiter cette opportunité». Laquelle permettra au pays de démontrer non seulement sa capacité à gérer la crise sanitaire Covid-19, mais aussi à devenir un acteur incontournable dans la nouvelle stratégie économique, qui sera incontestablement adoptée par les pays occidentaux en sortie de crise et ses atouts n’en manquent pas.

(*) SMDLest une association à but non lucratif qui œuvre pour apporter un ensemble de savoir et de savoir-faire aux jeunes et aux adultes.Basée à Saint-Etienne, l’ONG contribue à améliorer la relation sociale des jeunes et travailler sur la comportementale générale afin de parvenir à modifier les comportements asociaux de certains jeunes exposés au risque de l’échec dans la vie.