
Les fragilités du système de couverture médicale obligatoire dans le public réchauffent encore une fois le démon de la dette sociale. C’est une préoccupation à la fois morale et financière.
Morale dans la mesure où elle fait éternellement pointer le risque de reporter une très grosse facture sur des générations qui n’auront peut-être pas profité des prestations en jeu. L’exercice de solidarité beveridgien a des limites.
Financière, comme l’avait pressentie, dès les années 60, J. Arrow dans ses travaux fondateurs de l’économie de la santé, à savoir que la médecine et ses services connexes ont bien un coût, loin des préoccupations métaphysiques de la science. Aujourd’hui, l’éventualité de relever les cotisations, et donc des recettes, pour résorber la dette est une alternative. Il est cependant légitime de la rapporter aux autres voies qui peuvent être explorées du côté des dépenses. Dans un secteur privé, où la concurrence a contribué à tout sauf à réguler l’écosystème de soins, les efforts pour discipliner le coût des prestations n’ont pas donné les résultats escomptés. Enfin si, il aura fallu un rapport parlementaire pour enclencher un processus de baisse des prix des médicaments. Des révisions inédites dans l’histoire industrielle de ce pays et dont le niveau aurait dû donner lieu à d’autres enquêtes sur les dessous d’un statu quo, qui a persisté pendant des années, et qui, vraisemblablement, n’avait pas de contrepartie économique. Les enquêtes, il en fera probablement beaucoup d’autres. Des études écologiques pour tenter de cerner l’évolution des revenus des praticiens dans le privé, comprendre les décalages entre les gains de productivité que la technologie permet dans les prestations de biologie médicale et l’indécence de leurs honoraires. C’est un travail à la fois d’analyse économique et de gouvernance qui n’est pas suffisamment négocié aujourd’hui et qui interpelle l’ensemble des acteurs. La crise de l’AMO est donc aussi une crise du… comportement.
Mohamed BENABID