
Signe de fragilité fondamentale ou conjoncturelle? L’économie tunisienne plonge dans la récession technique. Le scénario tant redouté est désormais une réalité. L’annonce vient d’être faite par la Banque centrale de Tunisie (BCT). Une annonce qui a pris de court l’ensemble de la sphère économique. Les statistiques de la BCT révèlent en effet que le produit intérieur brut (PIB) a enregistré, au deuxième trimestre 2015, une seconde croissance négative, soit -0,7% par rapport au 1er trimestre, lui-même en recul de 0,2%. Une première depuis trois décennie!
En réalité, l’Institut d’émission confirme ce qui était plus ou moins attendu. Finances publiques fragilisées, tensions sur les marchés monétaire et bancaire, glissade des principaux secteurs d’activité (tourisme, grandes cultures, phosphate, bancaire, panne des investissements…), la récession guettait l’économie depuis un moment déjà. Et le tableau clinique de l'économie en témoigne. D’un côté, le déficit courant culminerait à 8,5% du PIB en 2015, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international. De l’autre, aucun signe positif n’a été enregistré ni au niveau de l’investissement, ni au niveau de l’appareil productif. A fin juillet 2015, les intentions d’investissement ont décroché de 12% en glissement annuel, selon les dernières statistiques de la Banque centrale.
La même tendance négative a été enregistrée au niveau de la production industrielle, des recettes touristiques, des transferts en devises des résidents à l’étranger,…
Quelques instants après l'annonce de la Banque centrale, le Conseil des analyses économiques a tenu une réunion d’urgence. Son président, Taoufik Rajhi, a insisté sur la nécessité de créer un centre de planification stratégique, de redresser l’investissement et de trouver un consensus autour des grandes réformes. Selon le Conseil, la récession de l'économie se traduira immanquablement par une crise de l’emploi, une incapacité de remboursement de la dette extérieure, dont les échéances se rapprochent à grande vitesse. L’urgence est de déployer une politique macroéconomique basée sur des réformes structurelles de fond pour amortir les effets sur les comptes de l’Etat. La seconde réaction officielle est venue de Slim Chaker, ministre de l’Economie et des Finances, qui a déclaré, en marge de la présentation de la loi de finances complémentaire que "l’économie nécessite plus que jamais la mise en place de mesures pour relancer la croissance". Selon lui, l’urgence doit aller aux secteurs agricole, touristique, douanier et bancaire.
Chez les économistes, le ton est monté d’un cran. Au-delà de l’effet de surprise, ils reprochent à la Banque centrale de Tunisie le timing de l’annonce jugé tardif. Certains d’entre eux reprochent à l’institution d’avoir «trompé» l’opinion publique en publiant des taux de croissance en glissement annuel (positifs) au lieu des évolutions trimestrielles. Les économistes ne s’attendent pas à une amélioration de la situation au troisième et quatrième trimestre vu l’état de plusieurs secteurs prioritaires tels le tourisme, l’agriculture ou encore les industries du phosphate. Les prévisions de croissance de la Banque centrale pour l’année 2015, soit 1%, sont aujourd’hui jugées trop optimistes vu l’entrée en récession et la désertion et la méfiance des investisseurs étrangers.
En attendant, la Banque centrale est enfin sortie de son mutisme. Une rencontre avec les médias et experts économiques est prévue ce mercredi 9 septembre par Chedly Ayari, gouverneur de l’institution et Christine Lagarde, directrice générale du FMI, en marge de sa visite de travail en Tunisie. Une occasion certainement de répondre aux multiples interrogations qui ronge la sphère économique depuis quelques jours.o
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