
- L’Economiste: Les collectivités territoriales sont impactées par la crise Covid-19. Les recettes, comme les dépenses, sont revues à la baisse. Quels sont les besoins les plus urgents des régions et comment les financer?
- Mohand Laenser: Les collectivités territoriales sont effectivement, tout autant que le reste, touchées par la crise. Aujourd’hui, il y a une baisse drastique de la TVA, l’IS et l’IR, et les finances de toutes les collectivités sont en lien direct avec ces trois impôts. Pour les Régions, la diminution est de l’ordre de 11%. Il est bien évident que cette baisse tombe à un mauvais moment parce que toutes les régions ont déjà programmé leurs investissements ainsi que leurs projets depuis le mois de mars. Ceci étant, elles sont obligées de se joindre à l’effort national. Du coup, nous réévaluons les priorités de nos programmes en tenant compte d’une double contrainte: respecter l’enveloppe budgétaire et en même temps pousser l’investissement public. Un important travail est en cours avec les walis et trésoriers régionaux. Nous allons poursuivre tous les projets en cours, à commencer par les chantiers urgents. Et nous différerons les projets qui peuvent attendre l’année prochaine.
- S’agirait-il d’un début de restriction budgétaire qui pourrait s’aggraver si la crise perdure?
- Je dois avouer que les régions et autres collectivités territoriales ont, pour certaines, la chance de disposer de reliquats de budgets qui n’ont pas été utilisés les années précédentes, et qui permettent d’atténuer l’impact de la baisse de financement. Au niveau de la région Fès-Meknès, nous poursuivons tous les projets et travaux qui permettront de réduire les disparités territoriales. Ils sont principalement liés aux routes et à l’eau, particulièrement maintenant en période de sécheresse. C’est essentiel. En revanche, concernant la mise à niveau des communes et des centres, nous levons un peu le pied en attendant d’y voir plus clair d’ici le mois d’octobre.
- Comment et dans quelles conditions les régions peuvent-elles participer à la reprise économique?
- Il s’agit là d’une question fondamentale sur la place de la région. Il est vrai que la régionalisation avancée est un grand progrès même si cette initiative ne dispose pas de toutes les conditions assurant son fonctionnement optimal. Cela n’empêche pas les régions de travailler, bien au contraire. Je dirais même que ce sont les institutions les plus proches du citoyen. Bien sûr, les communes et provinces aussi mais celles-ci ont des attributions beaucoup plus spécifiques.
Toutefois sur le plan économique, la région est face au citoyen, à l’entreprise, et à l’université. Un triple impératif pour lequel nous nous devons d’être présents et de répondre «oui». C’est aussi la raison pour laquelle l’association des présidents de régions a aussitôt répondu à l’appel du Souverain pour alimenter le Fonds spécial Covid-19 en injectant un milliard et demi de DH, une somme que nous avons puisé dans notre fonds de solidarité interrégionale. De son côté, chaque président de région a continué à apporter son soutien soit sur le plan des aides humanitaires pour les plus démunis, ou bien en matière de logistique pour des services sanitaires, sécuritaires et autres. Notre nouveau rôle aujourd’hui est celui d’accompagner la relance.
- Comment s’effectuera la relance au niveau de la région et quels sont les secteurs visés?
- Il y a l’effort global de l’Etat, ainsi que l’a annoncé Sa Majesté, et il est considérable: 120 milliards de DH, 11% du PIB, ce n’est pas rien. Il faudrait que chacune des 12 régions procède à des ajustements, en fonction de ses priorités, spécificités, et secteurs impactés (NDLR: Le tourisme de Rabat ou de Casablanca n’est pas celui de Fès ou de Marrakech).
Les régions essayent de se placer dans ces interstices entre l’action étatique et les besoins les plus pointus de nos entreprises. Pour y parvenir, nous sommes en train de faire des recensements. La région fait partie du CVER qui réalise un diagnostic de fonds et prépare les plans de relance de tous les secteurs. Bien que les textes ne définissent pas clairement le rôle des régions dans la relance économique et ce qu’elles peuvent apporter, les conseils régionaux considèrent que l’attractivité économique est une composante de leurs attributions. Je dirai que c’est notre rôle vis-à-vis des citoyens. Nous sommes leur premier interlocuteur.
- Qu’en est-il des chantiers du Plan de développement régional (PDR) de la Région Fès-Meknès?
Le grand programme du PDR de notre région n’est pas encore entamé mais il est pratiquement prêt. Nous avons défini toutes les conventions spécifiques avec les partenaires gouvernementaux. Notre prochaine étape sera de démarrer certaines opérations et lancer des études pour d’autres. Par exemple, pour la route Fès-Ifrane, l’étude est achevée. En revanche, concernant celle qui relie Fès à Taounate, il faudra la remettre à jour.
Afin de gagner du temps, nous sélectionnons actuellement toutes les études que nous pourrons lancer rapidement, pour un démarrage réel en 2021.
Fort heureusement, les bailleurs de fonds, comme la SFI, l’AFD et le FEC, continuent de nous accorder leur confiance et se disent toujours prêts à nous accompagner. Je rappelle que la Région s’implique pour 3,6 milliards de DH qu’elle ne peut pas dégager sur ses fonds propres sur les 2 à 3 années à venir. Nous sommes en train de finaliser les moyens de financement.
La région Fès-Meknès est un client solvable qui a eu cette chance de ne pas avoir entamé sa capacité d’endettement.
Le budget à mobiliser
Sur la question des secteurs à appuyer, Laenser est catégorique: «Nous participons au CVER pour soutenir les secteurs spécifiques à la région Fès-Meknès comme les professionnels du tourisme qui sont très impactés à Fès, Meknès et Ifrane, mais aussi les transporteurs (transport en ville et interurbain), les artisans et les TPME». «Côté budget, je ne dirai pas que l’intervention de la région sera symbolique, mais notre but est de garder confiance avec les citoyens sachant que nos moyens financiers sont très limités et viennent d’être réduits. Toutefois, nous allons dégager des budgets sur les opérations non vitales pour l’année 2020 pour financer les aides complémentaires au fonds de relance (120 milliards de DH)», conclut le doyen des présidents de régions.
Propos recueillis par Youness SAAD ALAMI
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