Le futur Sommet Union européenne-Afrique, prévu pour le mois d’octobre 2020, sera un moment d’évaluation du chemin parcouru par le partenariat entre les deux continents depuis le cinquième Sommet d’Abidjan de novembre 2017. Ce forum offrira l’opportunité d’apprécier la nouvelle et récente offre européenne de partenariat et l’implication de l’Union africaine (UA) dans la refonte des relations entre les deux continents. Ce sommet va intervenir dans le contexte de crise systémique de la Covid-19, un moment opportun pour définir conjointement un nouveau modèle de partenariat ancré sur les besoins des deux continents et refondant les objectifs, le contenu, les processus de prise de décision et les modalités de mise en œuvre de ce partenariat.

Le schéma des relations euro-africaines est empreint d’une contradiction entre le narratif et l’action:
- Un discours d’inspiration libérale et constructiviste (libre-échange, valeurs démocratiques, normes, règles) encastré dans des prismes déformants (le prisme du radicalisme islamiste et le prisme migratoire);
- Une pratique nourrie d’ambiguïtés entre l’ouverture et la fermeture des frontières: ouverture pour certains produits, quotas ou fermeture sur d’autres, possibilité de voyager librement pour certains dans le cadre d’une immigration temporaire (étudiants, entrepreneurs notamment), mais réticence envers les migrants économiques; préférences de la stabilité autoritaire à l’incertitude démocratique
Dans ce contexte, le partenariat euro-africain a besoin d’un nouveau narratif et de projets phares qui donneront corps à une nouvelle vision.
La nouvelle Commission européenne, qui a pris ses fonctions en novembre 2019, a clairement affirmé son ambition de doter l’Europe d’un rayonnement géopolitique. Un des vecteurs de cette ambition est le «Pacte vert» pour l’Europe (Green Deal) qui constitue la feuille de route pour une économie européenne prospère et résiliente et définit les nouvelles lignes de sa politique de coopération internationale. Dans sa nouvelle «offre» de coopération avec le continent africain, l’Union européenne (UE) propose d’élaborer sa stratégie autour de cinq domaines de partenariat: la transition écologique et l’accès à l’énergie; la transformation digitale; la croissance soutenable et les emplois; la paix, la sécurité et la justice; la mobilité et les migrations. Cette nouvelle initiative a-t-elle une dimension politique avérée, reflétant une volonté réelle de dialogue et de mutualisation? Correspond-elle aux défis économiques et sociaux de l’Afrique? Le récit et l’action du partenariat euro-africain ne devraient-ils pas se construire plutôt sur deux principes fondateurs: la sécurité humaine au service du développement et la solidarité au service d’une interdépendance équilibrée.

Répondre à ces deux impératifs suppose de faire ressortir les convergences des deux partenaires sur les questions stratégiques, qui constituent la matrice de leurs relations, et les décliner en lignes d’action concrètes: un partenariat qui renforce la dimension stratégique de la sécurité sanitaire, assure la souveraineté alimentaire, accélère les transitions écologique et énergétique, soutient la transformation numérique, appuie l’innovation, valorise le capital humain africain, contribue à une transformation structurelle de l’Afrique et à son insertion dans les chaînes de valeur mondiales et régionales, répond au défi de la mobilité et de la gestion des migrations, fait converger les visions sur les questions de la paix et de la sécurité dans le continent, promeut la bonne gouvernance et la démocratie.
Face à un «partenariat unilatéral» qui prévaut jusqu’à présent, fortement orienté vers les priorités européennes, il faudrait promouvoir un Partenariat qui assure une approche commune des priorités, une distribution des ressources en fonction de critères conjointement définis et une cogestion dans la mise en œuvre des décisions. Un partenariat entre des acteurs égaux exige de repenser les pratiques de coopération au développement de l’Union européenne comme de ses Etats membres en Afrique. Dans cette perspective, donner du sens au concept du partenariat «entre acteurs égaux» présuppose de coupler le principe de coresponsabilité avec le principe de codécision.

Réformer les instruments
Pour assurer l’efficacité des domaines d’action et rénover, en conséquence, les relations entre les deux partenaires, il est crucial de réformer les instruments du partenariat, notamment dans deux domaines clés: le cadre institutionnel, avec la mise en œuvre des réformes de l’Union africaine et le redressement des dysfonctionnements des structures de coopération de la Commission européenne; une mobilisation adéquate et efficace des ressources financières et la mise en place d’instruments de financement innovants.
Dans cette perspective, l’approche traditionnelle de la coopération par projets, décidés, gérés et mis en œuvre par des acteurs européens, doit être remplacée par une approche basée sur la convergence des intérêts et pleinement alignée sur les politiques nationales et régionales. Un cadre de financement conséquent devrait être mis en œuvre. Il est possible d’y parvenir, en s’appuyant sur les initiatives proposées dans le cadre de l’Alliance Afrique-Europe pour un investissement et des emplois durables.
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