La refonte du modèle de développement implique une réinvention des modes d’implication des territoires dans la création des richesses. C’est ce qui ressort de l’analyse réalisée par le think tank Al Mountada, dans le cadre de sa contribution à la réflexion autour du nouveau modèle de développement.
Cet organisme qui regroupe des chercheurs, des dirigeants du public et du privé, a élaboré une nouvelle vision pour une plus grande participation des régions dans le processus de développement. Celle-ci est basée sur un diagnostic de l’état des lieux, marqué par une série de dysfonctionnements.
En tête, une croissance à deux vitesses des territoires. «Trois régions seulement, profitant de 70% de l’enveloppe d’investissement de l’Etat, arrivent à créer 58% de la richesse nationale et à avoir un PIB par tête dépassant la moyenne nationale. En face, les autres régions enregistrent des résultats très modérés», peut-on lire dans ce document. Les difficultés actuelles s’expliquent également par d’autres facteurs, selon Al Mountada.
Par exemple, «la disparité sociétale, liée à un partage inéquitable des richesses, se conjugue à une incompréhension du patrimoine territorial». Résultat: les ressources spécifiques des régions restent marginalisées et sous-exploitées lors de la mise en place des politiques publiques. Le nouveau dispositif mis en place depuis l’adoption de la régionalisation avancée «n’a pas encore permis une amélioration concrète de l’accès des citoyens aux services de base».
■ Le dilemme des élus locaux

Si les rédacteurs du rapport d’Al Mountada mettent l’accent sur l’importance des réformes menées, notamment en matière de renforcement des attributions des collectivités locales, ils pointent néanmoins la persistance de certains bémols. Par exemple, «si le législateur a doté les décideurs des collectivités territoriales des compétences nécessaires pour gérer la chose locale, d’autres facteurs pourraient affecter la qualité et la pertinence de leurs actions, à l’image des interactions avec d’autres intervenants au niveau local, la complexité des territoires, ainsi que les attentes des populations et des élites locales». Les élus, considérés comme «la façade de l’Etat aux yeux du citoyen modeste», supportent, selon Al Mountada, à la fois le défi de réaliser leur programme et celui des défaillances qui surgissent dans l’action des entités publiques au niveau local, provincial et régional. Leur action dépend également de l’efficacité des services déconcentrés de l’Etat.
■ Urgence de digitaliser le monde rural

Le constat est sans appel. En dépit des efforts menés, le monde rural reste encore «isolé, effrité, peu équipé et souffrant de sérieux problèmes de connexion avec les territoires avoisinants». Cette situation est accentuée par le creusement de la fracture technologique. Ce qui met le Maroc dans «une situation de sous-mobilisation des ressources et des capacités en vue d’instaurer le mindset du digital dans la société avant de créer les conditions de son déploiement rapide et efficace dans tous les secteurs d’activité». Avec seulement 5,1% de la population rurale équipée d’un ordinateur ou d’une tablette, ce faible accès aux équipements technologiques prive le Maroc de plusieurs leviers d’action pour faire face à des problématiques profondes et génératrices d’inégalités, à l’instar du décrochage scolaire et du chômage». Pourtant, une meilleure digitalisation du monde rural offre, selon Al Mountada, une ouverture à une diversification des activités productives, comme l’agriculture, les produits du terroir, l’artisanat, le tourisme rural… D’ailleurs, la nouvelle stratégie agricole Génération green, mise sur le digital pour assurer le transfert entre générations d’agriculteurs, améliorer la formation et la commercialisation…
■ Accélération des dynamiques urbaines

Face aux nouveaux enjeux du vivre-ensemble dans les villes, ces dernières sont appelées à se réinventer, en misant sur les politiques d’aménagement du territoire. L’idée est de prendre en compte les dynamiques en cours et l’émergence de différents types de villes. A commencer par les métropoles. Cela, même si l’expérience de métropolisation reste très peu développée et vulgarisée, malgré l’existence de grands pôles urbains comme Casablanca et Rabat. Le processus de métropolisation concerne également certaines capitales régionales en croissance, mais dont le rayonnement reste limité, peut-on lire dans ce document. En face, certaines métropoles émergentes arrivent à s’imposer en raison d’une vocation créée grâce à l’appui de l’Etat, à l’image de Tanger et Marrakech. Parallèlement, de nouveaux centres urbains commencent à émerger, sous forme de villes intermédiaires. Celles-ci cherchent un rôle d’équilibre et de polarisation au niveau de leurs territoires respectifs. Mais, «elles ont du mal à jouer ce rôle, en dépit des efforts de décentralisation et d’investissement». Pour Al Mountada, la mobilisation d’une élite locale forte et influente est incontournable pour accompagner cette dynamique. Les petites villes, elles, continuent à jouer une mission d’encadrement administratif. Elles n’arrivent pas à dépasser les contraintes de la faiblesse des services de base et de l’absence d’un encadrement et d’un suivi de proximité.
■ Prendre en compte la complexité des territoires

C’est indispensable pour assurer l’effectivité de la régionalisation avancée. La complexité des territoires est un facteur central dans la construction de modèles de développement prenant en compte les spécificités locales. Surtout qu’en dépit des efforts de modernisation, «les territoires de l’arrière-pays et des zones rurales continuent de garder les influences du Maroc antique». Pour Al Mountada, «la mise en oeuvre de la régionalisation avancée devait prendre en considération les identités historiques et sociologiques des territoires».
Cette reconnaissance institutionnelle des spécificités locales pourra renforcer, selon ce think tank, la position des élus, notamment en consolidant leur rôle d’intermédiaire entre l’Etat et la population, est-il indiqué.
M.A.M.
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