Le marché pétrolier en ébullition

Premier exportateur de l’or noir, l’Arabie Saoudite détient les deuxièmes plus importantes réserves de brut juste derrière le Venezuela
Forte perturbation du marché mondial du pétrole. Hier lundi 16 septembre le cours du Brent ou brut de la mer du nord, une variation du pétrole faisant office de référence en Europe, avait brièvement gagné jusqu’à 20% alors que le WTI (West Texas light Sweet) s’est renchéri de 15%.
En moyenne la hausse s’est établie à plus de 10%, toutes origines confondues. Et les incertitudes persistent dans un contexte de tension forte entre l’Iran et les Etats-Unis. Malgré la décision de Washington de «puiser dans ses réserves stratégiques pour assurer l’approvisionnement du marché».
Le président américain Donald Trump avait annoncé dimanche soir «avoir autorisé l’utilisation de réserves stratégiques américaines de pétrole si besoin, pour compenser la baisse de production de l’Arabie Saoudite.
Poids lourd de l’OPEP
De son côté, le ministre saoudien de l’Energie, le prince Abdel Aziz ben Salmane, a déclaré le même jour que Riyad utilisera ses vastes stocks pour compenser en partie la perte de production. Les prix du pétrole ont quand même bondi lundi de plus de 10%, les accusations contre l’Iran alimentant de nouvelles craintes géopolitiques.
Pour rappel, les rebelles yéménites Houthis, soutenus par l’Iran et qui font face depuis cinq ans à une coalition militaire menée par Riyad, ont revendiqué les attaques contre les installations de la compagnie pétrolière saoudienne. Elles ont provoqué une réduction brutale de production de 5,7 millions de barils par jour, soit environ 6% de l’approvisionnement mondial.
L’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de brut, devait rétablir hier lundi au moins un tiers de la production perdue. Le bulletin spécialisé Energy Intelligence a indiqué, en citant des sources industrielles, que le major pétrolier saoudien était «sur le point de rétablir jusqu’à 40 %» de la production perdue, soit environ 2,3 millions de barils par jour. Citant des sources proches du dossier, le Wall Street Journal écrit qu’il faudrait des semaines pour rétablir la pleine capacité de production. La firme de consultants Energy Aspects a également estimé que le pays serait en mesure de restaurer près de la moitié de la production perdue dès le début de cette semaine.
L’Arabie saoudite, poids lourd de l’OPEP, pompe 9,9 millions de barils par jour, soit près de 10 % de la demande mondiale, dont 7 millions de barils par jour sont destinés à l’exportation. (Voir infographie ci-contre).
Le royaume dispose également d’une capacité inutilisée d’environ deux millions de barils par jour qu’il peut mettre sur le marché en période de crise. Sauf, que les autorités saoudiennes «veulent d’abord favoriser leur clientèle habituelle».
Dans un communiqué relayé par l’agence officielle SPA il a été indiqué «qu’une partie du manque (de la production de pétrole) sera compensée pour les clients grâce aux stocks» de l’Arabie saoudite. Pour faire face à des cas d’urgence, cinq sites de stockage souterrains, pouvant contenir des dizaines de millions de barils de différents produits pétroliers raffinés, ont été construits dans plusieurs endroits du royaume.
Les conséquences redoutées sur le marché mondial, en premier lieu une augmentation du prix du baril de pétrole, ne devraient donc pas être ressenties à court terme. La grande inconnue tient à l’ampleur des dégâts causés, relèvent des spécialistes des questions pétrolières. L’incertitude plane également sur les délais nécessaires pour que «le royaume revienne à pleine capacité».
Ce qui est sûr pour le moment, c’est la crainte que les dernières attaques contre des installations pétrolières en Arabie saoudite soient suivies d’une escalade des tensions régionales entre les différents protagonistes engagés dans la guerre au Yémen. Washington n’a d’ailleurs pas tardé d’accuser Téhéran d’être le principal instigateur des attaques des sites pétroliers saoudiens. Une accusation que l’Iran rejette de manière énergique.
Les Houthis, en ciblant des installations pétrolières, mènent «une stratégie de déstabilisation» du royaume saoudien, analysent certains politologues. A leurs yeux, «ils ont frappé là où ça fait mal, le pétrole et les infrastructures critiques qui constituent le talon d’Achille de l’Arabie saoudite».
Ces attaques se sont aussi produites à un moment où la compagnie pétrolière préparait son introduction prochaine en Bourse. C’est donc aussi une manière d’hypothéquer la réussite de cette opération censée rapporter quelque 100 milliards de dollars en mettant sur le marché 5 % du capital de l’Aramco. L’objectif est de financer la transition énergétique du royaume prônée par le plan Vision 2030.
A.G.