Développement durable: Les bonnes intentions existent…

Au coeur de la Stratégie nationale de développement durable (SNDD), l’élaboration de 21 Plans d’actions sectoriels de développement durable (PADD) qui précisent la contribution de chaque ministère à ce chantier. Les autorités concernées avaient jusqu’à ce mois de juin pour se conformer. Si l’accompagnement des collectivités territoriales a été bien mené, les autres stratégies peinent à être réalisées
17 objectifs pour sauver le monde. L’ambition est grande. Trop grande? L’actualité, entre dérèglements sociaux et climatiques, montre tous les jours l’ampleur de la tâche. Les annonces chocs se multiplient. Déplacements de populations, conflits, montée des océans, ouragans et cyclones… Pour autant, le sursaut est encore trop frileux pour inverser la tendance.
Le politicien américain Al Gore a plusieurs fois utilisé la fable de la grenouille pour imaginer le comportement humain face au réchauffement du climat. L’animal, plongé dans une eau qui se réchauffe lentement, finit par en mourir. Alors que si elle avait été directement plongée dans l’eau bouillante, cette fameuse grenouille aurait, d’un bond, sauvé sa peau.
C’est un peu ce qui se passe dans la réalité. Sauf qu’aujourd’hui, l’ONU et l’Unesco parlent de 15 millions de personnes qui meurent de soif chaque année, avec un inquiétant deadline: dès 2025, le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau potable devrait au moins doubler. Alors sommes-nous déjà au pied du mur?
Une feuille de route selon les consciences
Les Objectifs de développement durable s’imposent comme une feuille de route vers un avenir plus prometteur. Ils ratissent large, de la protection de l’environnement à la réduction de la pauvreté, en passant par l’égalité entre les sexes, la paix ou la justice. Autant de «bonnes intentions» qui, pour être appliquées, obligent à un radical changement de cap et d’intentions de la part de tous les pays du monde. En fonction, bien sûr, de leurs moyens et de leur état de conscience.
En termes de textes, le Maroc est aux normes. En 2014, une loi-cadre pour l’environnement et le développement durable avait été adoptée. Pas trop contraignante, elle avait rapidement montré ses limites. Idem pour la Charte nationale pour la préservation de l’environnement et le développement durable. Pour l’assainissement liquide, il est vrai que de grandes avancées ont été réalisées dans les villes.
En revanche, on continue de souffrir d’insuffisances de collecte et de dépollution des eaux usées dans le rural, pénalisant aujourd’hui le développement économique et social du pays. La population rurale marocaine pèse pour plus de 15 millions de personnes réparties dans 32.000 villages et sites décentralisés.
Selon le HCP, l’assainissement dans ces localités est seulement de 11%, en tenant compte simplement des systèmes améliorés (fosses septiques et latrines). Le gros des eaux usées domestiques finit donc directement dans la nature sans aucun traitement préalable et contient de nombreuses toxines, produits chimiques et bactéries, ou même salmonelles et choléra, indiquent les chercheurs (voir notre édition n° 5466 du 5 mars 2019). Autre stratégie mise en avant avec de gros moyens, le Programme national de gestion des déchets ménagers et assimilés (PNDM).
Lancée en 2008, elle s’était fixé comme objectif de développer la filière «tri-recyclage-valorisation» avec des actions pilotes de tri, pour atteindre un taux de 20 % du recyclage et la valorisation supplémentaire d’au moins 30% des déchets générés à l’horizon 2022. La stratégie comprenait deux chantiers. Le 1er auquel sont associés le ministère de l’Intérieur et le secrétariat d’Etat chargé du Développement durable pour l’accompagnement des collectivités territoriales a été bien mené. Il s’agit de la professionnalisation de la collecte en gestion déléguée. Le second défi que la stratégie devait relever, la valorisation des déchets ménagers et assimilés au profit de tous les centres urbains (100%) en 2022.
A ce jour, à peine 10% des déchets sont valorisés. Soit quelque 850.000 tonnes. Une part qui reste en deçà des 20% en 2022, ciblés par le PNDM. Quant aux autres stratégies comme le pacte vert, on n’en entend presque plus parler. Pour réactiver le tout et au lendemain de la COP22, le Royaume a mis en route une nouvelle stratégie nationale de développement durable (SNDD) en 2017 avec un plan à l’horizon 2030 dont l’objectif est de concrétiser les engagements internationaux du Maroc, notamment dans le cadre de l’Accord de Paris et des recommandations de la COP22.
Cette feuille de route pour l’action climatique du Maroc concerne à la fois les mesures de protection et d’adaptation. Elle s’articule autour d’une série de mesures en vue d’accompagner la transition vers l’économie verte. Globalement, cette stratégie s’articule autour de plusieurs axes, dont l’intégration du souci de développement durable dans les différentes politiques publiques.
Au coeur de la SNDD, l’élaboration de 21 Plans d’action sectoriels de développement durable (PADD) qui précisent la contribution de chaque ministère à ce chantier. Un an après la mise en oeuvre de cette stratégie, certains projets, dont la mise en oeuvre avait démarré il y a plusieurs années, commencent à voir le jour comme le centre d’enfouissement et de valorisation des déchets ménagers de Marrakech ou encore le centre de valorisation des déchets agricoles à El Hajeb.
Le département de Nezha El Ouafi, chargé du Développement durable, accélère aussi le chantier de l’amélioration de l’air avec la mise en place d’observatoires et de centres régionaux de mesure de la qualité de l’air. Le plan d’action 2018-2021 table sur la mise en place à terme de 82 centres.
Une étude relative à la mise en place des procédures techniques et des orientations, pour accompagner les unités industrielles dans le respect de la qualité de l’air, est en cours, dans le cadre d’un partenariat avec la coopération allemande. Egalement en discussion, l’utilisation de véhicules hybrides ou électriques pour diminuer la dégradation de la qualité de l’air.
A noter que pour ce chantier, des actions émanant du secteur privé sont en train de prendre forme, à Marrakech notamment, avec l’introduction de deux roues électriques (voir notre édition n° 5437 du 23 janvier 2019). Globalement, la majorité des chantiers identifiés par la SNDD sont des chantiers déjà planifiés ou en cours de planification. Reste à savoir quand ils verront le jour. Une évaluation à mi-parcours est prévue cette année.
Radia LAHLOU
Zéro mika sur fond d’échec?
Trois ans après l’adoption de la loi 77-15 sur l’interdiction des sacs en plastique, un simple tour par les marchés des différents noyaux urbains pour constater que ceux-ci sont toujours présents. Une observation que confirme un récent sondage mené par l’association Zéro Zbel et la relation qu’entretient le consommateur marocain avec les sacs en plastique.
Selon les résultats de ce sondage réalisé dans 8 marchés de 3 villes (Casablanca, Agadir et Tétouan), 60% des commerçants interrogés déclarent que plus de 80% de leurs clients exigent des sacs en plastique. En outre, 65% des clients déclarent utiliser entre 5 et 15 sacs en plastique à chaque fois qu’ils font leurs courses.
Certes, le gouvernement constate un recul de l’importation de la matière première utilisée dans la production des sacs en plastique -une baisse de près de 50% entre 2015 et 2018-, mais le bilan reste loin de l’objectif fixé, à savoir l’éradication définitive de ces sacs. Cette résistance est liée notamment aux habitudes de consommation des Marocains.
D’où la décision d’étoffer le dispositif de contrôle en affinant les dispositions de la loi 77-15. Ainsi, neuf articles ont été amendés, afin de se doter d’un arsenal juridique fort et flexible, tout en introduisant des définitions des différents types de sacs de plastique et leurs usages.
L’un des principaux leviers introduits par ce projet de loi pour durcir le contrôle est lié à une meilleure maîtrise du travail des producteurs et industriels. Ces derniers seront interdits de stocker la matière première ou les rouleaux de plastique recyclé, en vue de produire ces sacs, selon l’article 4 bis. En matière de sanction, ce projet de loi prévoit des amendes de 200.000 à 1 million de DH contre toute personne disposant des produits interdits.
B.B.