
La stratégie Halieutis termine en queue de poisson! Dix ans après son déploiement, peu de ses objectifs ont été atteints (voir infographie ci-contre). Excepté l’aménagement des pêcheries pour une exploitation durable de la ressource, tous les autres indicateurs du secteur restent loin des ambitions initiales. Certains, notamment la valorisation et la consommation par habitant, ont stagné, voire reculé.
Selon les données du département de la Pêche, le secteur contribue pour 7,3% au total de la valeur ajoutée des activités primaires pour une production qui se stabilise à 1,3 million de tonnes sur les 5 dernières années. En 2018, les débarquements du poisson ont atteint 1,37 million de tonnes pour une valeur de 11,6 milliards de DH.
Les grands changements ont concerné la structure des utilisations. Ainsi, la congélation qui représentait moins de 4% en 2010 porte désormais sur la moitié des captures. En particulier des petits pélagiques qui pèsent pour plus de 80%. En revanche, les autres destinations (consommation et conserves) ont vu leur part baisser.
L’industrie de la conserve de poisson a ainsi perdu 3 points de sa contribution sur la dernière décennie: 17,8% en 2018 contre 20,8% en 2010. Cette activité qui valorise au mieux les petits pélagiques tourne toujours à moins de 50% de sa capacité. En l’absence d’un redressement, la situation risque de s’aggraver pour les 45 unités existantes avec l’entrée de nouveaux arrivants.
Cela renseigne sur l’échec du modèle de partenariat auquel la stratégie incitait armateurs et industriels de la conserve. Au total, 8 nouvelles conserveries sont en cours d’installation à Dakhla et Boujdour. Elles relèvent de conventions conclues entre le ministère et les opérateurs. Pour la création de 4.500 emplois directs.
Le recul d’approvisionnement a également concerné l’industrie des sous-produits et la consommation en frais sur le marché local. Pour les premiers (farine et huile de poisson), le recul est manifeste: de 31% des volumes, cette industrie n’en prélève actuellement que 7,1%. De même, les volumes destinés à la consommation ont dégringolé de moitié: 25% contre 43,5% il y a dix ans.

Sur les 5 dernières années, la production tout comme le chiffre d’affaires sont restés stationnaires. Alors que l’objectif à l’horizon 2020 ciblait un volume des captures de 1,66 million de tonnes
Néanmoins des marges de progrès sont à relever. Le volume des prises s’établit à 81% de l’objectif fixé à l’horizon 2020. L’export est estimé à 22 milliards de DH en 2017, soit 70,5% de l’objectif de la stratégie. Le chiffre porte la contribution du secteur à 58% des exportations agroalimentaires. Et l’activité, avec toutes ses composantes, assure également 700.000 emplois directs et indirects, selon le département de la Pêche. Au-delà de ce tableau, il reste de nombreuses insuffisances au regard du potentiel mobilisable.
En effet, une grande partie de la production halieutique est exportée à l’état frais sans aucune transformation (41% du volume total à l’export). Bien que cette part soit en baisse, elle renseigne sur le manque à gagner en termes de création d’emplois et de valeur ajoutée locale.
En outre, les exportations sont polarisées sur les marchés de l’Union européenne, qui absorbent 60% des ventes. L’ouverture sur de nouveaux débouchés dont l’Afrique subsaharienne conjuguée à une meilleure valorisation des produits, en plus de la dilution du risque conjoncturel créeraient de nouvelles opportunités. Il devient également urgent d’opérer des innovations tout au long de la chaîne de valeur. A commencer par une meilleure maîtrise de la chaîne de froid.
Autre volet important, le développement à terme d’une flotte industrielle performante comparable à celle des pays européens. Dans ce domaine, l’investissement ne semble pas bouger et reste concentré pour l’essentiel dans la maintenance. S’ajoute également le manque d’innovation en ce qui concerne de nouveaux produits compétitifs avec des emballages attractifs et à forte valeur ajoutée.
A.G
18 plans d’aménagement effectifs
ALORS qu’un seul plan d’aménagement des pêcheries était à l’oeuvre en 2009, la stratégie Halieutis a mis l’accent sur la gestion durable des pêcheries. A ce jour, 18 plans d’aménagement ont été mis en place permettant de couvrir 96% des captures contre 5% en 2007. Et les relations entre opérateurs se sont quelque peu améliorées.
Un plan d’aménagement est un ensemble de mesures de gestion et de conservation d’une pêcherie dans une zone considérée. Il se base sur les données et les informations scientifiques et socioéconomiques disponibles sur la pêcherie à aménager. Les mesures définies dans le cadre des plans d’aménagement comprennent la fixation d’unités d’aménagement, des périodes de repos biologique, des quotas, des zones d’interdiction et le nombre de navires autorisés. Les principaux plans d’aménagement élaborés portent sur les pêcheries des petits pélagiques, des grands pélagiques (thon rouge, espadon, requins), le poulpe, la crevette, le merlu, les grands crustacés, les algues, le corail…
Parallèlement, le département de la Pêche a conçu et lancé le programme d’élimination des filets maillants dérivants qui menaçaient la biodiversité marine et les espèces les plus fragiles.
Aquaculture: 250 projets lancés
L’Aquaculture est enfin sur de bons rails. Si l’objectif de production de 200.000 tonnes était surdimensionné, il sera atteint, voire dépassé à moyen terme, rassure l’Agence nationale de développement de l’aquaculture (Anda). «Valeur aujourd’hui, pas moins de 250 projets d’investissements ont été validés pour un montant global de 1,6 milliard de DH», est-il précisé.
Le cinquième de ces projets concerne la production de poisson, 70% celle de coquillages et 10% d’algues maritimes. Avec à la clé 155.000 tonnes dès l’arrivée à maturité des premiers élevages. L’engouement pour les coquillages s’explique par la demande des marchés extérieurs mais aussi par les coûts de production. A titre d’exemple, l’élevage de poisson nécessite 14 à 18 mois pour que les pièces atteignent le poids requis pour la commercialisation, alors que celui des huîtres se limite à 10 mois. De même, l’investissement est désormais sécurisé. Deux assureurs ont été conventionnés. La Mamda et tout récemment Beasur, en février 2019, qui est réassuré par un cabinet étranger. Donc tout porte à croire que la filière aquacole est promise à des lendemains meilleurs, bien qu’elle soit dépendante de l’import de l’essentiel de ses intrants.
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